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La valorisation des données agricoles : méthodes, moyens & enjeux

Data agricole

« Après avoir labouré le terrain des données personnelles, les Gafa et autres très grands opérateurs sont en train de se tourner vers les données sectorielles, comme la santé ou la mobilité. On va les voir arriver sur tous les secteurs », a déclaré Cédric Villani, secrétaire d’Etat au numérique, en marge d’un événement dédié à l’innovation agricole. Survey-Magazine a rencontré David Barthe, Directeur général de la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire et Maître de Conférences associé à l’IAE Lyon, qui nous en dit plus sur l’exploitation des données dans le secteur agricole.

Survey-Mag : Comment l’exploitation de la data est train de transformer l’agriculture ?

David Barthe : L’agriculture est historiquement un secteur d’activité à la fois connecté et utilisateur de données. En effet, la traçabilité, la sécurité sanitaire et les procédures de déclarations de type PAC ont amené les agriculteurs à s’informatiser. Si vous ajouter à cela, le besoin de suivre et piloter son exploitation avec des repères technico-économiques, il n’est pas surprenant d’avoir, dans l’agriculture, une population de chefs d’entreprises plus connectés que la moyenne.

Aujourd’hui la data occupe une place de plus en plus centrale dans l’agriculture, tendance qui devrait s’accroitre et s’accélérer dans les prochaines années.

Tout d’abord, elle doit permettre d’apporter une connaissance encore plus fine du fonctionnement et du pilotage de l’exploitation agricole. L’objectif est de pouvoir développer l’agriculture prédictive, car une des contraintes de ce secteur économique, est de travailler sur le vivant (végétal, animal) et donc l’incertitude et l’aléa font partie du quotidien des agriculteurs. Dès lors, la collecte de données et leur utilisation doit permettre de mieux piloter son exploitation dans un monde incertain et complexe.

Ensuite, et face aux attentes légitimes des consommateurs en matière de « réassurance » de consommation et à la nécessité pour l’agriculture de se reconnecter aux consom’acteurs, la mise à disposition des données agricoles dans les rayons des magasins devrait constituer aussi un axe important de travail dans les prochaines années. La transparence est attendue par les consommateurs et la valorisation de la data agricole est un très bon levier pour répondre à cette demande. Le succès des applications telles que Yuka nous démontre, s’il en était besoin, l’importance pour le consommateur de se réassurer sur les ingrédients, la provenance, des aliments, leur impact carbone, les techniques de production, les labels de qualité, …

Quels sont les outils et méthodes employées ?

L’agriculture est familière du « test & learn », le digital étant une nouvelle étape de la transformation et de l’évolution de l’agriculture. De nombreuses chambres d’agriculture, comme celle de Saône-et-Loire, testent actuellement des solutions digitales avec des agriculteurs, afin d’en mesurer la pertinence, la facilité d’usage et la capacité à apporter des réponses en matière, par exemple, de meilleure connaissance technico-économique de l’exploitation agricole.

Comme j’ai pu l’indiquer, l’agriculture utilise depuis de nombreuses années le numérique. Le réseau des Chambres d’Agriculture a accompagné ce mouvement, en développant des applications à destination des agriculteurs, telles que mesparcelles (http://www.mesparcelles.fr) ou encore boviclic (https://www.boviclic.fr). Les chantiers que nous ouvrons aujourd’hui en Saône-et-Loire concernent la robotique, l’IoT, la data, … afin de pouvoir tester, en situation réelle, l’apport de ces outils pour l’agriculture, avant leur possible généralisation.

Le projet de VitiLab, espace dédié à la viticulture 3.0 et permettant de rassembler au centre du vignoble expérimental de la Chambre d’Agriculture un Tiers Lieu, un Fablab et une résidence de Starts-up, s’inscrit totalement dans cette démarche. Il sera inauguré en 2020 à Davayé. En parallèle, sur le site de la Ferme de Jalogny, ferme dédiée à l’élevage allaitant charolais, nous testons d’ores et déjà des solutions dédiées à l’élevage connecté.

Enfin, parmi les autres actions que nous avons lancé sur ce thème, nous participons chaque année à l’InnovationCrunch Time de l’UTBM (http://innovation-crunch.utbm.fr), ce qui nous permet de proposer des sujets d’innovation autour de l’agriculture connectée, et co-organisons, avec les collectivités locales et acteurs du numérique du département, des conférences dédiées à l’agriculture connectée afin de permettre à des univers professionnels, parfois éloignés, de se rencontrer et imaginer des projets ensemble autour de ces sujets.

Impact environnemental, qualité, traçabilité : quel rôle l’internet des objets peut-il jouer ?

Comme nous avons pu l’évoquer précédemment, la data est un élément fort de re-création d’un lien de confiance entre l’agriculture et le consommateur. Pour cela, l’utilisation de l’IoT est indispensable pour collecter, en direct, des données tout au long de l’acte de production afin de pouvoir tracer l’ensemble des évènements. En effet, la collecte d’information doit se faire de manière transparente, sans générer de travail supplémentaire pour l’agriculteur. En cela, l’IoT est un allié indispensable pour collecter les données, faire communiquer les outils et engins agricoles utilisés au sein de l’exploitation. Qu’il s’agisse de boucle ou de collier connectés pour l’élevage, de capteurs au sein des engins, du vignoble ou des grandes cultures, l’IoT doit nous permettre de d’apporter des réponses aux attentes sociétales en matière de traçabilité, de garanties en matière de qualité et de promotion des filières agricoles. Cela doit aussi apporter un appui aux agriculteurs pour la mesure et l’évolution des pratiques agricoles au regard de la question du changement climatique.

Pouvez-vous nous partager votre avis sur la plateforme
https://api-agro.eu. Y avez-vous déjà eu recours ?

Api-Agro répond à une problématique centrale pour la réussite de la digitalisation de l’agriculture, celle de l’interopérabilité et du partage de la data entres acteurs du monde agricole. Ce sujet est essentiel, d’une part pour éviter d’enfermer l’agriculteur dans un environnement technique particulier et surtout, pour faciliter l’enrichissement et la valorisation des jeux de données et ainsi proposer de nouveaux services aux agriculteurs. Dès lors, une plateforme comme Api-Agro constitue un Hub très pertinent et stratégique pour l’ensemble du monde agricole. Nous n’avons pas eu recours encore, au niveau de la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, à Api-Agro. Mais au regard des nombreux projets de transformation numérique qui vont émerger en 2020 sur notre département, nous devrions avoir recours à la plateforme Api-Agro pour le développement, avec nos partenaires, de ces nouveaux services numériques.

Le portail API-AGRO met en relation les fournisseurs et les utilisateurs de données issues du secteur agricole, toutes filières confondues. Cette plateforme est composée de plusieurs interfaces permettant la mise à disposition de données sous forme brute ou via des APIs (notamment en temps réel), des recherches thématiques, ou encore l’exportation de jeux de données.