Dernier numéro de Survey Magazine

Sur le terrain des compétences

Compétences et métiers

Aujourd’hui, il est admis que les nouvelles technologies comme le Big Data et l’Intelligence artificielle présentent un impact sur les fonctions métiers. Les professionnels du marketing n’échappent pas à la règle. Parce qu’ils sont de plus en plus utilisateurs de data, ces hommes et femmes ont saisi l’intérêt de se forger une culture data.

Question 1. Survey-Mag : Quels sont les nouveaux postes que l’on peut rencontrer dans les départements marketing ?

Plutôt que de parler de nouveaux postes, je crois que la data au sens large a surtout fait apparaitre une nouvelle façon de faire du marketing et donc de nouvelles compétences nécessaires pour exercer les fonctions relatives au marketing. Ceci étant une réalité depuis 5 à 10 ans suivant la maturité des organisations.

Cette première mutation a permis de segmenter les clients de façon plus fine et précise, autorisant parfois l’émergence de segments contre-intuitifs (en sortant des approches statistiques au profit de la « data science »), pour créer des messages plus ciblés par canal et par segment, et les adresser aux bonnes personnes aux moments les plus opportuns.

C’est ainsi qu’on a demandé aux directeurs/trices marketing de savoir faire leur métier en incluant la data et en sachant collaborer avec les experts. C’est alors qu’en effet des nouvelles fonctions sont apparus dans les équipes marketing, en particulier les data scientists (qui peuvent être dans les directions marketing, mais plus souvent dans des entités data centralisées pour des enjeux de concentration des compétences et de tailles critiques des équipes).

Plus récemment, avec l’émergence de la multiplicité et de la puissance des réseaux sociaux, ainsi que de la capacité assez nouvelle d’analyse des données non structurée (le texte, l’image, le son, la vidéo), le phénomène précédent s’amplifie en inversant pratiquement l’approche de la relation avec les clients finaux. Plutôt que de concevoir un produit puis de communiquer avec des messages (certes ciblés par segments) conçus par l’entreprise, le marketing doit maintenant engager une conversation personnalisée avec chaque client. Comment ? En captant et analysant toutes les conversations et messages propagées dans les réseaux sociaux entre consommateurs, mais aussi entre consommateurs et influenceurs, pour s’inscrire dans la bonne tendance, et produire des messages et des échanges audibles par les consommateurs ciblés.

Cette approche est totalement stratégique pour les entreprises du consumer B2B2C qui peuvent créer un lien avec leur client final qui leur échappait totalement auparavant. Ce qui peut les sauver de l’hégémonie des GAFA.

Par ailleurs, elle met en jeux des moyens technologiques d’une autre envergure qui font que la direction marketing, outre une façon de penser le marketing très différente, doit maintenant collaborer étroitement avec l’IT. Ou plus exactement, l’IT doit complètement se transformer elle aussi pour supporter ces nouveaux besoins. L’agilité, le Cloud, des algorithmes puissants (d’IA) s’invitent dans ces processus.

On pourrait également développer les concepts de « drive-to-store » qui peut s’appuyer par exemple sur la captation des signaux wifi des mobiles des clients (qui se sont souvent « abandonnés » à céder leurs données personnelles via une connexion par facebook au réseau des points de vente), le clienteling qui scénarise une interaction dans les points de vente entre vendeur et client et permet de les «embaser » etc…

Question 2. En règle générale, quelles compétences sont recherchées ?

On le comprend par ce qui précède, le marketing a besoin d’être « servi » par des technologues aux compétences très pointus : en IT (cloud, data engineering…), en mathématiques très poussées (pour fabriquer ou assembler des algorithmes d’IA et plus généralement de machine learning usant des mises au point les plus récentes, que ce soit dans l’entreprise ou dans son écosystème de start-ups, académique ou des GAFA).

Et dans le même temps, les compétences de la / du Directrice/teur marketing doivent lui permettre d’appréhender toutes ces approches, et de savoir communiquer de façon assez détaillée avec les experts cités plus haut, pour en faire des business partners efficaces.

Question 3. Quel est votre avis sur l’évolution du métier marketing à moyen et long terme ?

Ce que je décris au-dessus est sans doute encore assez futuriste pour beaucoup d’organisations et de directions marketing, même si c’est actuel pour quelques-unes quand même. Mais ce que nous constatons à travers nos rencontres avec les candidats les plus en pointes, c’est que ces approches sont aujourd’hui plus souvent inspirées par les CIO ou CTO, ou par les start-ups et les data scientists au sens large (machine learning, data science, IA) que par les directions marketing qui sont plutôt suiveuses.

Alors le métier du marketing va-t-il devenir un métier d’ingénieur, bien sûr entouré de créatifs. C’est bien possible …

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