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Intelligence artificielle, fantasmes & réalités

IA fantasme ou réalité

L'ère des hyper commerciaux, avec des commissions à 25 millions, arrive.

C'est la thèse que défend Laurent Alexandre, célèbre conférencier et auteur de « La Guerre des Intelligences », dans le livre blanc publié par Nomination fin 2018 sur les mythes et réalités de l'IA dans le Commerce et le Marketing en B2B. D'autres visions s'affrontent.

IL Y A PLUS DE MARKETING DANS L'IA QUE D'IA DANS LE MARKETING

A ce jour, loin des fantasmes d'IA forte et des promesses des futurologues qui envahissent nos médias, les applications en « Sales & Marketing B2B » restent rares et exploitent des IA faibles. L'immense majorité des applications de Sales et Marketing Intelligence qui revendiquent l'utilisation d'IA tourne en réalité sur des moteurs de règles logiques assez classiques. Ceux-ci sont relativement proches de formules conditionnelles du type « Si… Alors… » et d'algorithmes connus depuis des dizaines d'années et boostés par la puissance de calcul démultipliée des outils informatiques actuels.

Bruno Maisonnier, créateur du robot de compagnie Nao, déclarait récemment : « la vague d'IA que nous connaissons actuellement, que les scientifiques quali- fient de « statistique » (…), cette IA dite « faible », ne possède pas une once d'intelligence ». Il précise que l'IA, telle qu'on l'envisage dans les médias, est une IA de troisième génération : à savoir une IA forte et auto-apprenante. Nous n'y sommes pas encore…

Christophe Tricot, fondateur de l'accélérateur en IA pour les entreprises « La Forge » précise que l'IA n'a pas connu de changement de paradigme depuis les années 70 ! La nouveauté du moment, ce n'est pas tellement l'IA selon lui, mais les solutions cognitives, c'est-à-dire l'ensemble des applications ayant recours à l'IA pour démultiplier leurs expertises. Concrètement, le chatbot qui automatise la relation client ou le scoring client d'un CRM sont des solutions cognitives. Mais pour les puristes, un chatbot, ce n'est pas de l'IA, même s'il résout un problème complexe en s'inspirant de l'humain.

Néanmoins, le phénomène Big Data et son explosion des données sont une réalité. Des outils de collecte toujours plus présents dans les organisations, des sources d'informations toujours plus riches et nombreuses, et des solutions d'analyse et de représentation (la Business Intelligence) toujours plus puissantes ont convaincu les entreprises de se pencher – vraiment – sur leur « capital data ». Dont la connaissance client est une pierre angulaire.

PAS D'IA SANS DATA

L'IA intervient lorsque le cerveau humain est dépassé : concrètement, dès lors que nous ne pouvons plus traiter un lot d'informations devenu trop volumineux et hétérogène. Ce postulat s'applique donc très bien dans de nombreux domaines, comme le marketing B2C où les données liées aux profils des consommateurs et à leurs comportements d'achat sont par définition riches et atteignent aujourd'hui des volumétries exponentielles. En B2B, les données clients sont plus restreintes et les comportements d'achat peu collectés. C'est encore plus vrai dans les métiers de services, où la vente complexe, très personnalisée, s'accommode mal de processus d'achat prédéfinis.

VERS LA DISPARATION DU COMMERCE ET DU MARKETING ?

Stéphane Mallard, conférencier expert en IA, prédit une mutation profonde du marketing, avec une disparition progressive au profit d'assistants intelligents qui aideront l'acheteur à sélectionner ses fournisseurs et leurs services en collectant et en analysant les informations sur ces derniers (réputation, description, références…). Un phénomène qui accentuerait le rôle de consultant et chef de projet des commerciaux B2B, amenés à être toujours plus experts des enjeux de leurs clients pour les accompagner dans la phase finale de l'acte d'achat : configurer la solution déjà choisie et aider à sa mise en oeuvre.

Laurent Alexandre va plus loin et prédit lui, la fin du commerce et du marketing « traditionnels », sur des produits de consommation ou commodités, au profit de l'émergence de plateformes qui sauront, elles, collectées, analyser et exploiter les données des clients pour prédire, anticiper et répondre à tous leurs besoins. N'est-ce pas déjà le modèle d'Amazon ou de Netix ? Dès lors, ce futurologue imagine que les concepteurs de ces plateformes, à l'instar des développeurs d'un Google ou d'un Facebook, pourront toucher des bonus mirifiques grâce au développement d'algorithmes permettant de capter les actes d'achat. Mais nous n'en sommes pas là. Pas encore…

UNE ADOPTION ENCORE TRÈS TIMIDE PAR LES ENTREPRISES

L'étude réalisée par Nomination auprès des décideurs remonte des positions contradictoires sur l'adoption et les attentes vis-à-vis de l'IA : si 75% des décideurs interrogés estiment qu'il s'agit d'un phénomène inéluctable et rapide et 89% ne la considèrent pas comme une menace, plus d'1 sur 5 n'en attendent aucune valeur ajoutée. Au total, à peine 4 entreprises sur 10 commencent juste à envisager des projets à base d'IA, sur des sujets d'automatisation ou des assistants de type chatbot… Ces chiffres démontrent que les promesses de l'IA séduisent mais pour devenir réalité, les entreprises doivent être guidées pour assembler toutes les briques nécessaires : données de qualité, cas d'usage, expertise technique, accompagnement au changement. Comme toute transformation, ces projets sont de longs voyages et quoi de mieux qu'un sherpa pour éviter de se perdre ?

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