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Les neurosciences pour rendre les sites Internet compatibles avec le fonctionnement du cerveau

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Les neurosciences et le marketing sensoriel rencontrent une attention toute particulière auprès des entreprises du web. L'utilisation de leurs connaissances et techniques permet d'améliorer l'attrait des sites et de combler leurs lacunes sensorielles. Elles favorisent leur compatibilité avec les attentes du cerveau des internautes, autrement dit leur neuro-compatibilité.

Confronté aux pages web, l'internaute se trouve dans une situation où il doit faire des choix extrêmement rapides. Sa décision d'ouvrir la première page ou « landing page » se prend en moins d'une seconde. Il en va de même pour solliciter « le rebond », c'est-à-dire l'ouverture de la deuxième page. Son aire du cerveau primaire (reptilien) qui agit d'une manière instinctive et immédiate, comme celle du cerveau limbique (émotif) sont directement sollicitées. L'apport de connaissances émanant des neurosciences, en rendant les pages neuro-compatibles, fait progresser leur attractivité immédiate et facilitent leur accès.

Un autre inconvénient du web provient de son aspect peu chaleureux. Sur Internet, le consommateur est seul face à son écran. Les informations qu'il reçoit provenant très souvent de sites robotisés animés par les algorithmes de l'IA (pour Intelligence Artificielle) peuvent lui paraître dénuées d'humanité. Il a uniquement le sens de la vue et celui de l'ouïe accompagnés de l'avis des réseaux sociaux pour décider d'accéder aux messages proposés. L'utilisation des neurosciences procure un ensemble de méthodes et d'outils permettant d'améliorer tant la convivialité que la sensorialité des sites et favoriser leur attrait.

LES CONNAISSANCES NEUROSCIENTIFIQUES SUR LE COMPORTEMENT INSTINCTIF DU CERVEAU PERMETTENT DE RENDRE LA PAGE INTERNET IMMÉDIATEMENT PLUS ATTRACTIVE ET FACILITENT SON OUVERTURE.

La décision d'ouvrir la première page d'un site web fait appel aux réflexes instinctifs et émotionnels du cerveau

Pour ouvrir une page web, la première impression du consommateur est décisive. Sa décision se prend en un temps record. Selon des experts de l'Université Carleton d'Ottawa, il faut à peine 50 millisecondes à un internaute pour décider ou non d'accéder à une page Internet. Le taux de rebond (ouverture de la seconde page) est aussi très rapide. Les automaticités du cerveau reptilien ou limbique sont impliquées. Ce que l'économiste américano-israélien Daniel Kahneman (Prix Nobel d'Économie en 2002), un des fondateurs de l'économie comportementale, appelle « le système 1 de la pensée » est directement sollicité. Il s'active lorsqu'une personne doit prendre une décision rapide. Il fonctionne en pilotage automatique du cerveau, en mode d'intelligence instinctive, hors de la conscience. Une bonne compréhension neuroscientifique de la manière inconsciente dont réagit le cerveau quand il est pressé est indispensable. La neuro-compatibilité des publications figurant sur la « landing page » est essentielle. Si le visiteur n'est pas retenu dès la première vision, il ne clique pas dans une très large majorité de cas. Afin de favoriser le clic, le cerveau a besoin de ressentir instinctivement un attrait quasi immédiat. L'émotion active les réactions instinctives notamment chez les adolescents. Une fois son impression, positive ou négative, formée, les experts en neurosciences attestent qu'il est très difficile de le faire changer d'opinion. Le Professeur émérite en sciences cognitives de l'Université de Californie, Donald Norman montre, en se fondant sur ses recherches, qu'un consommateur rendu heureux par la vue d'un design attractif, trouve plus facile de l'utiliser et par conséquent d'ouvrir une page. Les neuroscientifiques qui s'intéressent à l'efficacité du web suggèrent un ensemble de méthodes permettant d'améliorer l'intérêt subliminal (hors de la conscience) d'un site Internet.

La neuro-compatibilité du contenu et de la forme des pages facilite leur accès

Faciliter le traitement par le cerveau des informations présentées sur une page est indispensable quand on sait qu'il a une capacité limitée pour les mémoriser. Selon le Professeur neurochirurgien français exerçant en Belgique Patrick Georges, il ne peut traiter qu'un cinquième des signes qu'il reçoit. La simplification de la page avec moins de textes, moins d'images, moins de couleurs est requise pour augmenter sa perception et son attrait. Le texte doit être réduit pour concentrer le cerveau sur l'idée principale du message à transmettre. Le nombre d'images mérite d'être diminué au minimum et dans tous les cas rester inférieur à trois. Le choix des couleurs est important car il s'adresse directement à la mémoire en réveillant les « marqueurs somatiques » mis en lumière par le neuroscientifique portugais Antonio Damasio et ses confrères. Rappelons que « les marqueurs somatiques » sont des éléments oubliés intégrés dans la mémoire. Ils peuvent être réactivés lorsqu'un de nos sens, comme la vue, est sollicité. Des couleurs comme le rouge ou le noir attirent l'attention du cerveau en réveillant les « marqueurs somatiques » liés au danger ou à la mort. D'autres revêtent une signification culturelle et provoquent des émotions inconscientes spécifiques à certains pays ou populations. C'est le cas pour le rouge et le jaune en Chine, l'orange en Ukraine et aux Pays Bas, le vert pour certaines populations de culture liée à l'Islam… L'emploi des couleurs doit comme le texte et les images être l imité pour concentrer l'attention du cerveau.

Confronté à la multiplicité des choix sur le web, le cerveau peut également se trouver dans une situation de stress et abandonner la recherche. Pour éviter ce phénomène, les sites marchands aident l'internaute à choisir. La proposition d'un guide ou d'une sélection de choix adaptés aux attentes du cerveau de chaque client, repérés dans des systèmes de CRM (Customer Relationship Management) ou de GRC (Gestion de la Relation Client) sophistiqués, comme chez Amazon ou Apple, aide à l'orienter et à sélectionner une offre dans le monde complexe de l'hyper choix.

La vue d'une figure humaine sur la première page rend le message plus chaleureux et sympathique

Le cerveau est naturellement câblé pour être davantage attiré par les images que par les textes. Par la reconnaissance faciale, une page Internet intéresse d'autant plus le cerveau d'un consommateur que celui-ci a l'impression de s'adresser à une personne plutôt qu'à un ordinateur régi par les algorithmes émanant de l'IA. L'utilisation d'un visage humain sur la première page du site la rend plus humaine et sympathique au cerveau.

La position des images par rapport aux textes est importante pour attirer son intérêt. Selon les experts en neuroscience et en logistique, lorsqu'une alternance d'images et d'écrits est utilisée, les images sont plus prégnantes pour le cerveau quand elles sont placées à gauche ou au centre, les textes à droite ou au-dessus. Le meilleur endroit pour situer un message important sous la forme d'une image ou d'un texte, est la partie basse du milieu de la page. Pour leur part, les messages attirent d' autant plus l'attention lorsqu'ils sont légèrement décalés par rapport au centre. Les lignes courbes sont mieux visualisées que les rectilignes. Dans tous les cas il faut éviter de disposer une image, un logo ou un message important à l'endroit de la page que Dan Hill, consultant, auteur d'un ouvrage de renom sur ce sujet et Président de Sensory Logic Inc., nomme « le coin de la mort » parce que peu visionné. Il s'agit de la partie basse située à droite de la page.

Le type des images présentées sur la page du site est important pour faciliter l'accès

Le type d'image figurant sur la page du site est important pour faciliter son ouverture. Le Professeur Morten L. Kringelbach de la Faculté de médecine de l'Aarhus Université au Danemark, avance selon ses études que la reconnaissance de la figure humaine est plus particulièrement attirée par celle des bébés. Son utilisation est d'autant plus souhaitable lorsqu'une enseigne souhaite promouvoir des offres destinées à cette population mais également lorsqu'elle désire évoquer la douceur liée à un produit ou un service. Le psychologue et photographe Australien James Breeze étudie à l'aide de l'oculométrie (eye tracking) la manière dont les consommateurs regardent les annonces utilisant des bébés. Ils regardent directement sa figure si le bébé est présenté de face. S'il est montré de biais regardant un produit, le spectateur tend à orienter ses yeux dans la même direction, vers le produit que regarde le petit enfant.

La figure d'une jolie femme est connue pour attirer l'attention du cerveau masculin. Les docteurs Arthur et Mitchell Bard, spécialistes de l'étude du cerveau humain, font remarquer que son attirance est renforcée, auprès de ce public, si elle est présentée avec la pupille dilatée. L'effet n'est pas le même si la page web s'adresse à un auditoire féminin. Peu sensible à ce regard, il montre une certaine indifférence.

Le Docteur A.K. Pradeep, fondateur aux États-Unis de la société Neurofocus (rachetée par Nielsen), dans ses conférences et publications, fait part de suggestions permettant de renforcer l'attrait produit au cerveau par une image. Il rappelle que celui-ci est particulièrement attiré par ce qui lui apparaît comme : nouveau, le surprend, lui pose des interrogations… Il préconise l'utilisation d'images originales, qui « flashent » au milieu de l'annonce, disruptives comme par exemple un oiseau avec une tête de chien. Se référant au célèbre tableau de Mona Lisa, « La Joconde » réalisé par Léonard de Vinci, il pense que le sourire énigmatique attire l'attention du cerveau du consommateur. Celui-ci s'efforce de comprendre ce qu'il dissimule. L'utilisation d'un « top model », masculin ou féminin, facilite davantage l'attrait d'une page web lorsqu'il utilise ce mode d'expression plutôt qu'un sourire naturel.

Un autre professionnel de l'utilisation des neurosciences en marketing, Roger Dooley, créateur d'un blog très populaire aux USA, intitulé Neuromarketing, qui se réfère aux recherches sur le comportement du cerveau, rappelle que le fait de montrer des photos de personnages dans une annonce, renforce l'empathie de l'observateur. Elles peuvent présenter les bénéficiaires d'une organisation caritative, les conseillers ou les commerciaux d'une société de service, les participants d'un centre de formation, les clients d'une entreprise industrielle…

UTILISER DES MÉTHODES POUR AMÉLIORER LA CONVIVIALITÉ DES SITES WEB

Internet demeure un médium peu convivial, dépourvu de chaleur humaine, limité au niveau de l’expression sensorielle. Quelles propositions des neuroscientifiques pour compenser ces lacunes ?

En dépit de ses multiples qualités, Internet présente plusieurs défauts. Il demeure un médium peu convivial pour de nombreux consommateurs, dépourvu de chaleur humaine et limité au niveau de l'expression sensorielle. Les propositions des neuroscientifiques permettent de compenser ces lacunes. En dehors de la vue et de l'ouïe, il est impossible pour ce médium de transmettre aux internautes les sens que sont : l'odorat, le toucher et le goût. Cette absence se révèle un important handicap par rapport à la distribution physique qui ne cesse de développer les qualités d'accueil et la sensorialité de ses espaces de vente. Un nombre accru de marques souhaite que leurs produits bénéficient d'une expérience tactile. Elles réclament de permettre aux consommateurs la possibilité de les toucher, de les sentir, de les goûter. Les experts de l'économie comportementale Daniel Kahneman, Jack Knetsch et Richard Thaler, attestent dans leurs publications scientifiques, que le simple fait de toucher un produit crée chez le consommateur un effet de possession ou « endowment effect ». Il accorde à un produit saisi en main une valeur supérieure que lorsqu'il n'est pas touché. Il est alors plus difficile au client de le reposer que de l'acheter.

Pour Margaux Limoges, auteur d'une thèse sur « Le déficit d'expériences tactiles d'Internet », réalisée dans le cadre de ses études à HEC, les femmes ont davantage tendance à toucher les produits par plaisir. L'intérêt de communiquer une impression sensorielle complète sur Internet est particulièrement fort lorsque sont présentés des produits dits « matériels », pour lesquels les propriétés tactiles sont importantes lors de leur utilisation : pulls, housses de couettes, shampoings, mouchoirs en papier… Il l'est moins pour ceux nommés « géométriques », pour lesquels ces propriétés sont peu importantes lors de leur utilisation : DVD, vaisselle, tasses, piles, paquets de biscuit…

Coupler le web avec le réseau physique pour améliorer sa convivialité et sa sensorialité

Une manière utilisée pour améliorer la convivialité d'Internet consiste à proposer sur la page de se rendre sur un lieu de vente afin d'être reçu par un conseiller et de pouvoir tester physiquement les produits. La méthode consiste à coupler le site avec un réseau humain dans le cadre d'une politique multi-canal. Certains sites Internet du secteur bancaire ou de l'assurance se voient contraints d'ouvrir des agences physiques pour répondre au manque de convivialité et de confiance que reprochent les clients à leur mode de distribution exclusivement en ligne.

En dehors des relations humaines qu'ils apportent, les réseaux physiques permettent de compenser les lacunes sensorielles du web. Ils procurent au consommateur la possibilité de ressentir les qualités des produits au niveau de l'odorat, du toucher et du goût. De nombreuses enseignes, dans différents secteurs d'activités, privilégient cette approche permettant d'offrir au client des possibilités d'achats adaptées à ses habitudes. Elles sont résumées par l'acronyme anglais ATAWAD (« Any Time, Any Where, Any Device », traduit en français par « À tout moment, partout, avec n'importe quel dispositif »). Pour ne citer qu'un exemple d'application, la marque de pulls pour hommes, Monsieur Lacenaire, utilise cette pratique reliant leur outil de vente privilégié, Internet, à des espaces de distribution physiques. Les clients qui commandent en ligne peuvent se rendre dans une boutique. Les commerciaux obtiennent au préalable un ensemble d'informations les concernant. Ils peuvent les recevoir comme des VIPs lors de leur visite, les accompagner pour leur permettre de tester sensoriellement les produits et établir un ensemble de relations conviviales avec eux.

La mise en place d'une distribution multi-canal permet d'améliorer tant la convivialité que la sensorialité des sites Internet. Une condition pour assurer le succès de ce dispositif réside toutefois dans la confiance qui doit s'établir entre ces deux modes de distribution concurrents et dans la qualité sans faille de leur coordination. Le cerveau du client a besoin de ressentir cette harmonie entre les canaux pour être entièrement convaincu que les relations entre ces deux canaux ne sont pas artificielles.

Tenir compte des modes de fonctionnement relationnels des cerveaux qui adhèrent à la conscience collective de la communauté

La multiplication des réseaux sociaux et communautaires fait évoluer les comportements du cerveau des internautes. Ils sont de plus en plus nombreux à y adhérer. Des expériences menées aux États unis par plusieurs chercheurs tels que Wei Gaoa, Hongtu Zhub et leurs collègues confirment cette affirmation. Le comportement du cerveau du consommateur se trouve inconsciemment influencé par les normes émanant des réseaux sociaux auxquels il appartient ou choisit d'adhérer. Une conscience collective remplace progressivement la conscience individuelle. Si une offre ne reçoit pas suffisamment : de likes, d'étoiles, d'évaluations positives, d'avis favorables… de la communauté dans les réseaux sociaux, elle risque d'être rejetée sans même mériter d'être testée. La création d'une page web destinée aux internautes, membres d'une communauté, est d'autant plus consultée qu'elle se place dans une atmosphère compatible avec les normes qui fédèrent les relations entre ses adhérents. Le concepteur des messages doit tenir compte de cette évolution. Lorsqu'il s'adresse au public des réseaux communautaires et sociaux, il doit s'attacher à se conformer aux habitudes qu'utilisent les membres de la communauté dans leurs relations.

Les internautes communautaires souhaitent en particulier que l'on s'adresse à eux comme des copains et non comme à des clients. Qu'on leur propose une relation Internet interactive permanente. Que l'enseigne s'engage à répondre rapidement à leurs questions. Ils sont prioritairement intéressés par les informations utiles pour eux et pour la communauté. Ils souhaitent qu'on les fasse rire en leur présentant un film viral humoristique. Un professionnel du marketing digital relationnel, Gabriel Szapiro, auteur d'ouvrages, blogs, et publications en France sur ce sujet, avance que l'intérêt et l'efficacité d'un film viral reposent sur quatre variables que sont : l'humour, l'intrigue, l'inattendu et enfin la séduction reliée à l'offre mise en avant par la vidéo. Les internautes communautaires aiment qu'on les amuse en leur proposant un jeu original. Les modes de communication sont d'autant plus appréciés lorsqu'ils méritent par leur intérêt ou leur originalité d'être transmis à la communauté. Avec la multiplication des réseaux communautaires et sociaux, une nouvelle forme de convivialité doit désormais apparaître sur les pages web quand elles s'adressent à leurs adhérents.

FAIRE APPEL AUX NEUROSCIENCES POUR CRÉER DES SITES SENSORIELS ET VÉRIFIER LEUR NEUROCOMPATIBILITÉ

Quels sont les procédés pour compenser les faiblesses intrinsèques sensorielles des sites web ?

Les procédés proposés par les experts en neurosciences pour compenser les faiblesses intrinsèques sensorielles des sites web.

Les experts en neurosciences proposent un ensemble de procédés qui contribuent à améliorer la sensorialité des pages Internet.

Parmi eux, on rencontre l'emploi d'émojis et d'émoticônes. Ce sont des petits pictogrammes qui permettent de faire passer des émotions aux internautes sur la toile.

Un autre procédé consiste à obtenir et retransmettre sur une page les commentaires d'utilisateurs satisfaits faisant part de leurs expériences sensorielles ou de leurs impressions tactiles concernant la manipulation d'un produit : la douceur du contact sur la peau d'une serviette de bain, une hydratation agréable de son visage suite à l'utilisation d'une crème issue de l'aromathérapie, l'exceptionnelle légèreté en main d'une perceuse ou d'une visseuse électrique…

D'autres procédés, plus complexes à utiliser, consistent à compenser le manque de sensorialité en permettant au consommateur d'essayer le produit et de pouvoir le retourner sans difficulté. La société Bose communique sur son casque Quietconfort en proposant une garantie de remboursement intégral si le client n'est pas satisfait. Cette dernière est subordonnée au retour d'un casque en parfait état. Amazon compense une certaine faiblesse de description sensorielle de ses offres en pratiquant une politique de restitution ou d'échange facile. La formule de vente avec le principe « satisfait ou remboursé » rencontre une pratique accrue sur les pages web.

Proposer de recevoir des « box » constitue un procédé apprécié des internautes qui peuvent tester la sensorialité des produits. L'envoi de « box » connaît une importante croissance sur la toile depuis quelques années. Le consommateur intéressé reçoit une sélection de produits qu'il peut toucher et comparer. Il retient ceux qui lui conviennent et retourne les autres. Cette formule de vente en ligne connaît un essor dans un nombre accru de secteurs tels que le textile, la gastronomie, la cosmétique et les voyages. Pour ne citer que quelques exemples, la société Smartbox propose une soixantaine de coffrets répondant à plusieurs thèmes : gastronomie, bien-être, séjours insolites, cadeaux premium, occasions… Les produits sont accessibles en ligne et dans des points de vente. L'entreprise Birchbox offre pour 13 € par mois une boîte comprenant une surprise de cosmétiques avec quatre à six miniatures « beauté » à tester. Trois Fois Vins offre un abonnement dont le tarif varie entre 19,90 € et 39,90 €. Il donne droit à deux bouteilles de vin à déguster par mois choisies selon le coût de l'abonnement. L'envoi s'accompagne de vidéos, de fiches-conseils pour déguster, de la proposition de tarifs préférentiels pour racheter les bouteilles accompagnant l'offre…

Quels sont les artifices pour palier la difficulté de ressentir les sens (goût, toucher, odorat) sur la toile ?

Un ensemble d'artifices permettent d'améliorer la sensorialité d'une page Internet, en particulier au niveau du goût, de l'odeur et du toucher. Ils sont proposés par de nombreux experts en neurosciences tels qu'A.K Pradeep, Roger Dooley, Patrick Georges déjà mentionnés dans cet article. Parmi eux :

- L'utilisation de mots et d'expressions évocateurs de la sensorialité fait partie des préconisations. Des mots comme « savoureux », « nouveau », « naturel » et « innovant » attirent l'attention du cerveau. Certaines expressions sont plus suggestives que d'autres pour exprimer les sens. L'expression « salade de pâtes » fait paraître le plat plus léger, « gel douche » le produit moins rude que « savon liquide », par exemple.
- Pour les images, comme pour les écrits, la référence à la nature augmente l'aspect sensoriel de la page. Pour l'huile d'olive ou le jus d'orange, elle est accrue par la présentation d'olives ou d'oliviers, d'oranges ou d'orangers… Les textes peuvent aussi utiliser des descriptions se référant à l'origine naturelle, régionale et/ou artisanale des produits : Saumon provenant des fumeries artisanales d'Écosse, viande de bœufs élevés en pleine nature sur les plateaux de l'Aubrac, fromages de Roquefort produit avec le lait des brebis du Larzac, jambon de Bayonne affinés par des artisans selon des procédés séculaires transmis de père en fils…
- Les neuroscientifiques préconisent également d'établir un mimétisme entre les présentations de la page et l'internaute en sollicitant ses « neurones miroirs ». Les « neurones miroirs » font partie des importantes découvertes neuroscientifiques de la dernière partie du XXème siècle. Ils sont mis en lumière par les Professeurs Giacomo Rizzolatti, Corado Sinigaglia et leur équipe de l'Université de Parme en Italie. Ils constituent une catégorie de neurones situés dans le cortex prémoteur du cerveau. Ils s'activent aussi bien lorsqu'un humain ou un animal exécute une action que lorsqu'il observe quelqu'un d'autre accomplir la même action ou même lorsqu'il l'imagine d'où le terme « miroir ». En lisant un roman ou en voyant un film comprenant des personnages ou des scènes qui l'émeuvent, le lecteur peut éprouver des émotions ou des sentiments semblables à ceux ressentis par les héros qu'il ne connaît pas. L'importante découverte des professeurs de l'Université de Parme est de constater l'existence de cette activation des neurones liée à la simple observation d'une action réalisée par un autre individu avec lequel il n'a pourtant aucune relation. Pour les experts en neurosciences, les « neurones miroirs » jouent un rôle important dans la cognition sociale, notamment dans l'apprentissage par imitation. C'est en particulier le cas dans le langage corporel, la communication non verbale, l'apprentissage des sports…

Montrer sur une page web une personne qui saisit un hamburger dans ses doigts, tourne sa cuillère dans un pot de crème… active les « neurones miroirs » du spectateur. Cette forme de présentation améliore la sensorialité du produit en faisant imaginer à l'internaute qu'il le manipule lui-même. L'action vue sur la page, en stimulant les « neurones miroirs », devient réelle et vivante dans le cerveau du spectateur.

Appliquer les techniques scientifiques du futur pour améliorer la sensorialité des pages Internet

La création d'images en 3D ou 4D rend les pages Internet plus attractives au cerveau des consommateurs.

Des innovations permettant de communiquer sur le web des sens comme l'odorat ou le toucher sont étudiées par les neuroscientifiques cherchant à améliorer la sensorialité des sites.

Afin de pallier les difficultés de communiquer des odeurs sur la toile, la société Exhalia présente une solution originale. Créée en 2004 par Yves Régeard, elle exploite un brevet inventé puis cédé par France Télécom. Son but est de transmettre des odeurs à partir du web. L'entreprise propose une synchronisation d'images, de son et d'odeurs sur la toile. Elle relie les informations transmises à des diffuseurs personnels ou professionnels qui permettent de sentir les essences des produits présentés. Leader mondial du domaine, Exhalia dispose de plus d'un million d'odeurs. Elle commercialise iSample qui est une clé USB olfactive. La société réalise pour le BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne) des visites olfactives sur Internet dans le vignoble et dans les caves. Elle travaille avec une école hôtelière japonaise qui expérimente des cours de cuisine en ligne.

Pour faire ressentir le sens du toucher, certaines entreprises désirant améliorer la sensorialité des pages s'intéressent aux technologies « haptiques ». Elles sont décrites par l'Échangeur by LaSer, centre réputé d'innovation technologique et marketing appliquée à la relation client, comme une petite rétroaction produite par une vibration de l'appareil porteur. Leur but est de faire sentir qu'une action est accomplie avec succès. Utilisées dans certains téléphones intelligents et dans des tablettes électroniques, elles permettent d'engendrer des vibrations donnant une sensation de toucher. Un usage fréquent des technologies « haptiques » se retrouve dans les manettes de nombreuses consoles de jeux (Wii, PlayStation, Xbox…) pour faire éprouver par l'utilisateur la dureté d'un coup par exemple durant un jeu de combat. Les futurs développements des technologies « haptiques » pourraient concerner la simulation d'un effet de texture ou de relief. Elles auraient la possibilité de faire percevoir sur un écran le toucher d'un textile, d'un fruit, d'une œuvre d'art… De telles informations contribueraient à enrichir les interactions avec les écrans tactiles. Elles apporteraient à l'e-commerce ce dont il est privé aujourd'hui : l'information tactile et sa perception. À l'image de la Kinect ou de la Wii, un gant permettrait de piloter le contenu de l'écran et de ressentir ce que les avatars touchent dans leur univers virtuel. Les technologies « haptiques », comme cela se produit déjà dans le monde artistique, sont en voie de bouleverser les modes d'interactions avec les écrans. Des sociétés telles que Senseg en Finlande travaillent sur le développement de ces technologies. L'« haptique » risque de révolutionner les modes d'interactions avec les écrans à l'image de ce que le tactile a apporté avec l'iPhone il y a quelques années

Vérifier la perception de la sensorialité des pages par le cerveau à l'aide d'études neuroscientifiques

Reposant largement sur la parole et l'écrit, les études marketing traditionnelles sont limitées pour décrire la perception d'un sens par le cerveau. Les neuroscientifiques proposent de nouveaux types de recherches reposant sur les techniques spécifiques à leur discipline.

L es moins complexes utilisent l'oculométrie ou « eye tracking ». Elles analysent les perceptions oculaires. Elles sont fréquemment couplées à la télémétrie (accélération du rythme cardiaque, coloration de la peau, sudation, humidification de l'œil…) qui permet de ressentir si l'image ou le texte visionné sur la page web crée de l'émotion sensorielle. Éric Singler, Directeur au sein de l'institut d'étude BVA, et en collaboration avec des professionnels du domaine, teste cette technologie dans ses magasins expérimentaux.

D'autres sociétés emploient des techniques neuroscientifiques plus complexes telles que l'IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) ou l'EEG (Électroencéphalographie) pour comprendre les effets d'une page Internet sur le comportement du cerveau des consommateurs.

La société Neurofocus utilise l'EEG afin de tester la neuro-compatibilité d'une page Internet avec le cerveau des consommateurs. Son créateur, le professeur A.K. Pradeep, révèle dans ses conférences et ses publications certains éléments analysés à l'aide de cette technique neuroscientifique. Parmi eux :

- L'attention, l'émotion, la mémorisation, l'intérêt, l'impression de nouveauté, l'intention d'achat… perçus par le cerveau pour chaque page présentée sur le site web : on apprend qu'une attention spécifique est portée aux deux premières pages.
- Les éléments fortement enregistrés dans le subconscient du cerveau et ceux qui ne le sont pas.
- La stimulation sensorielle du cerveau : la page suscite-t-elle une stimulation des sens tels que le goût, le toucher, l'odorat… ?
- L'activation des « neurones miroirs » impliquant le désir d'en savoir davantage sur l'offre, d'acheter et de consommer le produit présenté.
- Les éléments des images et des messages qui entraînent le plus fort engagement du cerveau suscitant la plus grande intention d'achat.
- La perception de la cohérence perçue par le cerveau entre l'audio (musique, voix…) et les images (personnages, produits…). Le cortex lié à l'audition et celui de la vision sont en interaction permanente. L'impression d'un dysfonctionnement entre les deux est analysée par le cerveau comme un élément discordant négatif.

À partir des résultats obtenus, les experts proposent des solutions permettant d'améliorer les éléments de la communication qui ne sont pas ou peu neuro-compatibles.

VISION D'AVENIR

Dans la guerre qu'elles doivent mener contre les « pure players » d'Internet, les sociétés de la grande distribution et des services comprennent l'importance du marketing sensoriel pour combattre la progression des sociétés digitales en ligne. Les points de vente physiques ne se limitent plus à commercialiser des offres. Ils se réorganisent pour proposer aux clients des lieux conviviaux et leur offrir une véritable expérience sensorielle. Ils désirent devenir des espaces où le consommateur ne se contente pas de se déplacer pour acheter. Ils souhaitent qu'il prenne plaisir à venir les visiter à l'instar de : Nature et Découverte, Ikea, Décathlon, Boulanger, Fnac, Starbucks, Nespresso…

Pour leur part, les dirigeants des sites Internet sont conscients du fait que les lacunes sensorielles de leur médium constituent une réelle faiblesse pour développer certaines offres.

La plupart des sites souhaite surmonter les handicaps liés à la difficulté de s'adresser à certains sens en cherchant à améliorer la convivialité et la sensorialité des pages présentées en ligne. L'appel à des partenaires et conseillers neuroscientifiques commence à rencontrer un réel succès outre-Atlantique. Le souci de faire progresser la convivialité et la sensorialité des pages Internet se généralise. Il devient, dans un nombre accru de secteurs d'activités, une importante préoccupation pour le marketing et la communication. Au cours des prochaines années, ce souci est appelé à se développer dans un nombre grandissant de pays sur tous les continents. 

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