Les plateformes de co-création, des panels 2.0

Les plateformes de co-création, des panels 2.0

Selon le panel Nielsen, plus de 3 nouveaux produits sur 4 échouent au cours de leur première année d’existence. Comment expliquer un tel résultat? La raison principale repose sur l’écart entre les fonctions attendues par le client du produit et le produit final délivré par l’entreprise. De nombreuses solutions existent pourtant pour pallier ce gap. Outre les traditionnelles études de marché qui permettent d’identifier / d’explorer les besoins (études qualitatives) et/ou de les confirmer à grande échelle (études quantitatives), les entreprises ont aujourd’hui recours à la co-création pour approfondir leurs connaissances sur leurs clients en termes de besoins et de comportements. La co-création, où la création d’un bien ou d’un service entre une entreprise et ses clients, est en effet aujourd’hui une méthode très plébiscitée par les entreprises (voir numéro d’avril sur les avantages / inconvénients de cette pratique). Beaucoup d’entre elles font appel à la foule pour détecter de nouveaux besoins, améliorer des produits existants ou en faire tester de nouveaux. Pour ce faire, certaines entreprises choisissent de concevoir leur propre plateforme communautaire où des contributeurs déposent des idées.

Entrevue avec Gaël Muller, Directeur général de Fanvoice

Créer des plateformes de co-création « clés en main », on peut dire que c’est le métier de Fanvoice qui aide les marques à se connecter avec leurs consommateurs autour de brainstormings géants et de bêta-tests en ligne. Différentes solutions sont alors proposées aux entreprises : elles peuvent avoir recours aux challenges (concours d’idées créatives), aux tests de concepts produits ou aux laboratoires d’innovation. Afin de bien comprendre cette démarche, plongeons au cœur de l’activité de Fanvoice avec son directeur général Gaël Muller, qui explique très concrètement le fonctionnement de la plateforme.

Elodie Jouny Rivier : Pouvez-vous nous présenter FANVOICE ?

Gaël Muller : Le cœur de métier de FANVOICE c’est d’être une plateforme participative, en marque blanche, qui réunit des marques et leurs cibles autour de brainstorming géants. Les projets participatifs qui y sont proposés visent essentiellement à améliorer des produits ou des services existants, ou à en inventer de nouveaux. Les consommateurs sont motivés par une mécanique de gamification qui permet de récompenser les meilleurs participants par des cadeaux. On va d’abord travailler sur des projets d’idéation avec de grands groupes de participants (50 à plusieurs milliers de personnes), puis après avoir trouvé de nouvelles idées ; on va pouvoir quantifier les attentes communes des participants pour éventuellement prioriser les solutions à mettre en œuvre. La marque peut ensuite se lancer dans une phase de co-création pour améliorer des concepts, affiner des fonctionnalités, valider un design, etc… Enfin, elle peut tester des prototypes plus ou moins aboutis auprès de panels de consommateurs, à travers des « campagnes » privées ou publiques, que l’on appelle des bêta-tests.

Vous parliez de différentes étapes où les membres peuvent participer. Comment cela se passe-t-il ?

Gaël Muller : Le plus souvent, on va expliquer un concept à travers un briefing, c’est à dire du texte et une vidéo présentant le produit, puis on va inviter les gens à réagir. Le produit présenté peut être une pure simulation ou un vrai prototype, un modèle unique, une pré-série, ou même une application mobile disponible en accès privé. Nous allons avoir une approche où l’on va chercher à recueillir des verbatim en premier lieu, ou alors, nous allons poser des questions fermées en fonction du projet. On a fait un super projet avec la marque LUNII qui avait un prototype quasi industrialisé de 10 produits, ce n’était pas encore fabriqué à la chaîne. LUNII avait fait des tests dans des salons, et avait été reconnue par la profession mais elle n’avait jamais eu de contact direct avec de vrais consommateurs.
Nous avons donc commencé par une campagne d’idéation avec une présentation du concept en expliquant ce que c’est, comment cela fonctionne, etc. Au bout d’un mois et demi, les internautes ont répondu « Cela nous intéresse parce que… », « Cela ne nous intéresse pas parce que… », « Je suis prêt à payer tant pour acheter cela », ou « Pas du tout », « Ce serait génial d’avoir des histoires qui parlent de cela, ça serait moins violent qu’à la télé… » etc. Nous avons détecté pas mal d’insights sur les attentes des parents, des familles par rapport à ce type d’objet. A la fin, nous avons récupéré les 10 personnes les plus impliquées et on leur a envoyé les 10 prototypes en leur demandant des feedbacks sur leurs usages. Les retours furent riches en matière d’idées d’argumentaires commerciaux, de nouveaux partenariats et d’un point de vue industriel aussi.

Comment les membres sont-ils recrutés ? Vous partez d’une base de données clients ?

Gaël Muller : Cela dépend des campagnes. Si on est sur un bêta-test privé, on va plutôt chercher une communauté de clients identifiés par la marque, on va éventuellement signer une NDA (ndlr : accord de non-divulgation, de secret, de non-communication ou de confidentialité). Quand on est sur une campagne plus ouverte comme on le fait pour SEB où l’on va récolter environ 4 500 feedbacks auprès de 2 000 internautes, là on est plutôt sur une approche ouverte. Donc le recrutement c’est très simple, c’est de l’activation partout où l’on peut, un mailing sur la base des abonnés auprès des contacts de la marque, des activations sur Facebook, sur les réseaux sociaux, éventuellement des campagnes de communication etc.

Donc il n’y a pas de profilage ?

Gaël Muller : Sur des campagnes ouvertes, pas forcément. Nous ne sommes pas sur une approche sondage, nous venons en complémentarité des études quantitatives. Quand le client envisage la consultation de consommateurs en mode « one-shot », il segmente lui-même ses bases lors du recrutement et la campagne sera plutôt hébergée sur notre plateforme. La plupart de nos clients sont sur des approches « lab » c’est à dire des sites de communautés de marques proposant plusieurs projets participatifs dans l’année. On pose des questions qualifiantes à chaque nouvel inscrit sur la plateforme c’est-à-dire aux « membres » et après en étape 2, on va prendre des hommes/femmes, 50 ans, urbains etc.

Comment fonctionne votre système d’incentives ?

Gaël Muller : Là aussi, cela dépend des marques. On ne fait pas de « prize money » (ndlr : prix en argent). Dans notre algorithme, on prend en compte la participation et la pertinence de la participation. La pertinence est mesurée par les likes de la communauté. Quand un membre poste une idée, si elle est likée, il gagne plus de points, s’il répond à tous les sondages il en a encore un petit peu plus, s’il n’a pas posté d’idée mais qu’il a mis des commentaires qui ont aidé des idées à gagner plus de points, il gagne un petit peu plus de points aussi, etc.

Et concernant le tri des meilleures idées, c’est la marque qui le fait ?

Gaël Muller : En fait il y a un double tri. Dans un premier temps, c’est la communauté qui fait le tri dans les feedbacks. Les membres catégorisent eux-même leurs idées, puis ils likent les idées des autres membres, et ils ne vont liker que les idées qu’ils trouvent vraiment bonnes. Cette technique nous permet d’avoir le ranking des tops contributeurs. À ce stade, le travail de la marque est de modérer des idées qui sont hors sujet, ou d’inciter le participant à préciser son idée si elle est trop vague. Le fait d’impliquer les membres dans le vote nous évite d’avoir des reproches du type « Vous n’avez pas choisi mon idée qui pourtant était super ». Nous pouvons répondre « Oui, peut-être mais c’est la communauté qui a choisi ». C’est ce que nous annonçons dès le départ. Après la marque fait forcément sa sélection dans les idées; c’est chaque marque qui choisit de faire sa sélection en fonction de ses contraintes techniques, son positionnement, etc.
Notre particularité est d’intégrer une analyse sémantique directement sur la plateforme. Ainsi, si nous récoltons 500 ou 1 000 feedbacks, le tri n’est pas un problème. Nous présentons à la marque les grandes attentes des consommateurs qui sont détectées à partir des attentes exprimées et des likes récoltés sur les idées répondant à ces attentes. Et bien évidemment, on donne l’intégralité des idées aux marques qui en général, ont suivi les contributions au fur et à mesure, et qui ont éventuellement déjà accordé un « Super like » aux idées qu’elles ont préférées… D’ailleurs, une fois qu’elle a fini sa campagne, une marque peut filtrer les idées avec un super like et identifier en un coup d’oeil les idées qu’elle veut absolument présenter.