Les études de flux : méthodes en pleine évolution

Les études de flux : méthodes en pleine évolution

Retour d’expériences

97 millions de passagers ont emprunté les infrastructures de Paris Aéroport en 2016. Un flux de clients, de situations particulières et de besoins variés à connaître et comprendre pour encore améliorer l’expérience vécue dans les aéroports parisiens.
L’aéroport est un merveilleux terrain de jeu pour réaliser des mesures de flux. Pour en parler, je propose le cas concret d’une étude que nous avons réalisée en 2012 : les choix que nous avons faits à l’époque pour répondre à la problématique, comment je ferais aujourd’hui avec les nouveaux outils disponibles, et, sur quels outils j’aimerais pouvoir compter demain voire après-demain pour conduire cette étude de flux de manière toujours plus efficace.

Le cas : la zone Arrivée d’un terminal de Paris Aéroport n’offrait plus assez d’espace pour gérer de manière satisfaisante l’arrivée groupée de clients d’avions gros porteurs et les attendants venus les accueillir à leur retour d’un voyage à l’étranger.
Pour donner plus d’espace à nos clients, la solution la plus pertinente envisagée était de supprimer un double escalator reliant le niveau des arrivées à celui des départs (cet escalator était situé en plein milieu de l’espace, avec une forte emprise au sol). Deux groupes de 3 ascenseurs étaient situés de part et d’autre de cette zone arrivée, et assuraient également la liaison verticale. Le risque, en cas de suppression du double escalator, était néanmoins de saturer ces 6 ascenseurs qui avaient également pour vocation de desservir les niveaux de parkings en sous-sol.
La question était donc de connaître le nombre de clients qui empruntaient ces escalators en montée et en descente tout au long de la journée pour identifier les moments de pointes, de connaître leur profil (plutôt passagers, plutôt salariés pour éventuellement savoir s’il était possible d’agir sur les habitudes de ces derniers lors des prises de services ou pour la pause déjeuner), les raisons pour lesquelles les escalators étaient utilisés pour essayer d’y répondre autrement, et également mesurer la fréquentation et le temps d’attente aux triplex d’ascenseurs afin de calculer les risques de saturation.

Le dispositif que nous avons mis en place à l’époque reposait exclusivement sur de la présence humaine : des personnes en charge de compter les utilisateurs des escalators et ceux des ascenseurs, des personnes en charge d’interviewer les utilisateurs des escalators, et enfin des personnes en charge de chronométrer le temps d’attente aux ascenseurs.
Le dispositif a très bien fonctionné et les éléments de l’étude ont permis de prendre la bonne décision… si vous voulez connaître la décision … il faut aller jusqu’au bout de l’article. 🙂
À l’époque, ce dispositif reposant sur du recueil manuel était le seul techniquement possible dans les délais et le budget prévus. Si des capteurs de mouvements avaient existé au niveau des escalators et aux portes des ascenseurs, nous aurions pu les utiliser, mais ce n’était pas le cas.
La limite de la mesure de flux par des personnes est sa nature éphémère. Ces comptages ne valent que le temps de la mesure. Naturellement, nous choisissons les plages horaires et les périodes de comptage afin de permettre l’extrapolation des données recueillies à une période plus longue, mais cela reste un investissement ponctuel, alors que la présence de capteur est pérenne.

Si je devais refaire cette étude aujourd’hui, que pourrais-je faire pour améliorer le dispositif ?

Utiliser le WIFI ?

En 2016, 88% des passagers au départ de Paris Aéroport étaient en possession d’un téléphone mobile avec accès à Internet. Pour être détecté par les bornes WIFI, le téléphone n’a pas besoin d’être connecté au réseau de l’aéroport, il suffit juste qu’il soit activé et c’est le cas pour 70 à 80 % des personnes mobiles. Le WIFI offre une précision de quelques mètres.
Aujourd’hui cela me permettrait après traitement dans le respect de la CNIL, de mesurer les flux de passagers dans la zone arrivée ainsi que les périodes de pointe et de saturation, idem devant les ascenseurs. Je pourrais également calculer des temps moyens d’attente devant les ascenseurs.
Par contre, compte tenu de la configuration des lieux, je rencontrerais des difficultés pour mesurer le flux sur les escalators. S’agissant d’un espace largement ouvert entre les deux niveaux, certaines bornes WIFI pourraient indifféremment capter les passagers sur l’un ou l’autre des deux étages.

Utiliser le Bluetooth et les Beacon ?

Pour rappel, les Beacon sont des petits émetteurs qui se reconnaissent entre eux grâce aux applications auxquelles ils sont associés dans nos téléphones. En complément, de ce que permet le WIFI, la technologie Beacon, nous permettrait de mesurer plus finement le flux vertical porté par les escalators (après installation de balises Beacon dans la zone analysée et sur l’application naturellement).

Utiliser les caméras qui repèrent dynamiquement les personnes et les parcours empruntés dans une zone donnée ?

Ces solutions sont déjà développées en aéroports pour analyser les zones de passage des contrôles, les optimiser et afficher les temps d’attente; elles permettraient d’analyser efficacement le flux devant les ascenseurs.

Utiliser les coordonnées GPS ou de téléphones mobiles :

Ces technologies ne seraient pas adaptées à notre problématique car la précision est moins bonne que les solutions précédentes surtout indoor : de l’ordre de 20 m pour les premières et plus encore pour les secondes.

Avant de réfléchir à ce que les nouvelles technologies pourraient me permettre de faire demain, je m’arrête quelques secondes pour constater avec vous que la technologie actuelle me permet de compter, de suivre, de chronométrer, « d’identifier des identifiants » mais pas des personnes avec un profil et des motivations.
Rien pour l’instant ne semble donc pouvoir remplacer l’interaction directe avec un client pour connaître son profil et le motif d’utilisation de l’escalator, sauf peut-être le Beacon, car il aurait permis l’envoi sur son téléphone de quelques questions au client lorsqu’il était sur l’escalator. Mais dans le cas qui nous occupe, j’aurais néanmoins eu des scrupules à installer sur un escalator, un dispositif d’analyse pérenne sachant que l’objectif est de le supprimer !
Et si demain plutôt que d’équiper nos espaces de technologies pour suivre nos clients (borne wifi, Beacon, caméra 3D dédiée au tracking de personnes…), on équipait nos clients !
On voit apparaître de nouvelles technologies qui permettent de « tracer la personne », je devrais dire « suivre un traceur » car il est bien évident que rien ne peut se faire si ce n’est pas parfaitement en accord avec la CNIL et le respect de nos clients et de leur liberté.
Ces traceurs intégrés à un smartphone par l’intermédiaire d’une application permettraient de suivre le client dans l’aéroport en complément des bornes WIFI et de le suivre à l’extérieur, y compris à l’étranger, en complément des données GPS captées par le mobile.
Il serait dès lors possible de connaître le profil du client en mobilité soit par les informations qu’il a renseignées lors du chargement de l’application qui héberge le traceur, soit par l’analyse de ses déplacements (si le téléphone est régulièrement immobile de 23h à 7h à la même adresse sur une période d’1 mois il est probable qu’il s’agit de l’adresse de son domicile, même logique en journée pour identifier son lieu de travail ou d’autres habitudes…).
Ainsi, nous pourrions distinguer le volume des salariés, de celui des passagers ou des attendants parmi les utilisateurs des escalators et des ascenseurs.
Et si parmi ces clients, certains acceptaient d’être « Opt in » vis-à-vis de ce traceur, c’est-à-dire acceptent de manière éclairée et explicite que leur mobilité soit analysée de manière individuelle, cela nous permettrait d’aller encore plus loin et de connaître leurs motifs d’utilisation des escalators, soit par observation directe, soit par interrogation a posteriori.
Que rêver de plus pour après demain ?
Surfer sur la multi connexion des objets entre eux y compris nos téléphones : si les passagers et les attendants portent un outil de type « Google Glass » et que j’ai accès aux données, « une petite analyse de données  » et j’ai toutes mes réponses : je sais combien sont là, pendant combien de temps, ce qu’ils font, où ils vont, même ce qu’ils ressentent, et, la masse de données collectées H24 sur peu d’individus compensera la perte d’exhaustivité de la cible analysée. Irons-nous vraiment jusque-là ?

On perçoit bien que les mesures de flux vont encore s’affiner, mais la limite de la liberté de l’individu ne nous permettra jamais d’aller aussi loin que la technologie nous permettrait d’aller si on l’ignorait.
A nous professionnels des études de garder le lien de confiance et de respect avec le client en mobilité que l’on souhaite observer et comprendre, car c’est à cette condition que nous irons ensemble le plus loin possible dans l’usage des technologies actuelles et futures, qui révolutionnent la mesure de flux.
Enfin, chose promise, chose due : le double escalator a-t-il été supprimé ?
Oui ! Et il n’y a pas de saturation des ascenseurs. L’étude a montré que les clients utilisaient en particulier les escalators pour remonter au niveau départ afin de boire un café et utiliser les toilettes : nous avons donc installé un espace boisson à côté de l’espace d’attente et amplifié la signalétique indiquant la présence de blocs sanitaires au niveau des arrivées. Cela a suffi pour limiter suffisamment le déplacement vertical qui se reporte donc sans souci sur les triplex d’ascenseurs.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]