Customer Effort                     

Customer effort

Survey-Magazine : Pourquoi remettre en question l'efficacité de la mesure du Customer Effort ?

Jean-François Damais : Le Customer Effort est un concept éprouvé et pertinent. Globalement, le principe est que moins le client a d'effort à fournir lors d'une interaction, plus il recommandera et sera fidèle à l'entreprise. Cependant, ce modèle n'est pas universel et ne s'applique ni à toutes les interactions et ni à tous les secteurs. Il existe des situations pour lesquelles l'effort fourni par un client reflète un degré d'engagement fort qui n'est certainement pas corrélé à une moindre propension à recommander ou à rester fidèle. C'est le cas lors de l'achat d'une voiture où l'idée de minimiser l'effort client n'est pas complètement pertinent étant donné que c'est le client lui-même qui décide de s'investir. Mais dans certains cas et secteurs à faible engagement, le client cherche à réduire son taux d'effort comme par exemple lors du choix de l'assurance auto. Le concept devient alors très pertinent.

Ipsos a développé plusieurs programmes R&D et mené une large étude aux États-Unis portant sur l'évaluation de 10 000 incidents dans sept secteurs différents. Ces travaux ont permis de revisiter ce concept dans la mesure de l'expérience client. L'étude a apporté deux enseignements majeurs. D'une part, ce concept de l'effort fourni par le client devient plus pertinent et universel dans le contexte spécifique et néanmoins stratégique de la résolution de problème client. Le 2ème enseignement est que la mesure du Customer Effort Score seul ne suffit pas à mettre en place un plan d'actions efficace. Il indique le niveau d'effort qu'un client estime avoir déployé pour que sa demande soit traitée. Mais cela ne tient pas compte du niveau d'effort que l'entreprise a, selon le client, déployé.

C'est en fait le ratio Effort Client/Effort Entreprise (Customer:Company Effort Ratio) qui permet une meilleure prédiction de la propension d'un client à rester fidèle à une marque. En effet, dans le cadre d'un incident ou d'une réclamation, le ratio Effort Client / Effort Entreprise est 3 fois plus prédictif de la propension d'un client à continuer à utiliser une marque ou travailler avec cette entreprise, que le Customer Effort Score seul. Alors que les clients attendent un traitement réactif et efficace des entreprises pour résoudre un problème, nos données montrent que, trop souvent, les clients perçoivent qu'ils déploient plus d'efforts que les entreprises pour résoudre les incidents ou réclamations ! En moyenne, les clients estiment fournir plus d'effort que les entreprises à résoudre un problème dans presque 6 cas sur 10. Dans ces situations les conséquences sont dévastatrices. Pour exemple, les clients sont 4 fois plus susceptibles de moins faire appel ou de cesser de travailler avec cette entreprise, et 3 fois plus susceptibles de partager leur mauvaise expérience sur les réseaux sociaux que s'ils estiment le contraire. Les progrès à faire sont énormes sur ce vaste chantier de la résolution de problème client.

Notre étude montre la nécessité de suivre le Customer:Company Effort Ratio comme une KPI car c'est un meilleur indicateur de la propension à recommander ou à rester fidèle à la suite d'un incident. La seconde étape indispensable est bien évidemment de bâtir des plans d'actions ciblés pour optimiser ce ratio dans le temps et donc optimiser l'expérience client.

Comment parvenir à vraiment optimiser le feed-back et l'expérience client ?

Il y a deux façons d'y parvenir. La première est de comprendre les leviers stratégiques de l'expérience client, c'est-à-dire identifier la ou les parties de l'expérience qui sont les plus importantes et qui requièrent d'investir du temps et des ressources. Les données qui permettent de construire ces plans stratégiques proviennent en général d'études relationnelles. Ces études mesurent les éléments de l'expérience client sur des échantillons représentatifs des clients de la marque. Ce travail permet de cibler les leviers sur lesquels agir, les « touch point » à cerner pour in fine savoir quelle partie de l'offre ou de l'expérience a le plus d'impact sur la fidélité client.

Mais ces études relationnelles doivent être complémentées par des études plus tactiques et plus ciblées sur des points d'interaction précis, où il est question d'écouter et de suivre la Voix du Client en temps réel. En effet, de nombreuses entreprises mettent en œuvre des programmes de Voix du Client en temps réel (VOC) ou d'Enterprise Feedback Management (EFM). Cela leur permet notamment de générer des alertes dès qu'un client fait l'expérience d'un mauvais niveau de service, ce que l'on appelle un « incident ». On parle de gestion des retours clients (« Closed Loop Feedback ») lorsqu'une entreprise, suite à un incident, demande à son personnel de recontacter le client concerné et de prendre des mesures adaptées. Cependant, les équipes en front office ne disposent pas toujours d'informations suffisantes et précises et ne peuvent pas prendre la décision la plus adaptée et ainsi bien traiter l'incident. Il est donc important d'utiliser une solution intégrée de gestion des alertes et de se poser les questions suivantes : devons-nous contacter chaque client à chaque fois qu'il donne une mauvaise note ? quand devons-nous nous contenter uniquement de présenter nos excuses ? quand devons-nous offrir une compensation ?

Une solution serait bien évidemment de recontacter tous les clients insatisfaits et de les satisfaire au plus haut point par des compensations par exemple. Mais ce système n'est pas viable financièrement. Alors, comment les entreprises peuvent hiérarchiser les actions à mettre en oeuvre et comprendre comment mieux répondre aux questions des clients ? L'approche d'Ipsos Loyalty permet d'optimiser les interventions plus efficacement et se base sur 2 principes :
- Tous les incidents ne sont pas égaux. Les entreprises doivent faire la distinction entre les différents types d'incidents et prioriser les interventions en fonction de l'impact sur le comportement des clients.
- Il n'y a pas de réponse ou d'intervention universelle. No one size fits all : à chaque type d'incidents sa réponse tout en tenant compte du profil client et l'historique des transactions passées.

C'est en considérant ces deux principes que l'on optimise et passe du Closed Loop Feedback au Smarter Closed Loop Feedback. Très concrètement, il s'agit de posséder une connaissance précise de l'expérience client, de comprendre les dysfonctionnements et ses conséquences. Cela implique d'adapter les réponses en fonction des types d'incidents et des groupes de clients.