Les études dans le secteur de la santé

Les études dans le secteur de la santé

Selon Syntec Etudes Marketing et Opinion les études marketing médicales sont le deuxième secteur d’investissement en France, derrière la Grande Consommation. Survey-Magazine a rencontré M. Pierre Pigeon, Président du groupe A+A Healthcare Market Research, pour en savoir plus sur ce marché.

Survey-Magazine : Quelles sont les spécificités des études dans le secteur de la santé ?
Pierre Pigeon : Le marché des études ‘consommateur’ dans la santé est assez particulier. Si, comme dans les études traditionnelles le consommateur (le malade) est une cible importante, les médecins constituent notre principale cible d’études. Ils nous décrivent leur stratégie thérapeutique, les critères qui guident leur choix d’un médicament ou d’un autre et nous permettent de quantifier l’utilisation des différents produits en fonction des caractéristiques de leurs patients. Nous interrogeons les médecins sur des durées longues d’environ 40 minutes, en les rémunérant, bien entendu. Les études que nous menons vont plus loin que la mesure de l’opinion. Une expertise médicale est nécessaire, ce qui explique le nombre important de médecins que l’on compte parmi nos équipes. Les connaissances médicales sont une barrière à l’entrée de notre marché. Nous évoluons dans un cadre de contraintes réglementaires lourd, en particulier en ce qui concerne la rémunération des médecins ou la pharmacovigilance. A ce sujet, les instituts d’études sont devenus depuis quelques années un acteur important de l’identification des effets indésirables constatés suite à la prise de médicaments (ce que l’on appelle la pharmacovigilance) ce qui alourdit considérablement les processus. Enfin, la protection des données personnelles dans ce domaine est tellement sensible que nos études sont désignées pour ne pas les recueillir. Notons enfin que le marché s’est encore complexifié ces dernières années avec le poids pris par les services achats de nos clients ainsi que la lourdeur des aspects contractuels.

Comment est structuré le marché ?
La santé est un domaine où le périmètre international s’impose d’emblée. La part des études internationales est probablement plus importante que dans d’autres secteurs car le marché est global. En effet, un médicament vendu en France reste intrinsèquement le même que celui commercialisé aux Etats-Unis ou au Japon. D’autre part, s’il existe des différences dans l’exercice du métier de médecin selon le pays, le laboratoire doit établir une stratégie marketing globale. Sur notre secteur, les centres de décisions dans le monde se répartissent en 2 pôles principaux : les Etats-Unis et l’Europe avec une croissance de la part de l’Asie (Japon ou Sud-Est). C’est dans ce contexte que s’inscrit notre rachat de l’institut américain Bell Falla. Ce rapprochement renforce notre groupe et sa présence sur le marché Outre-Atlantique. Nous envisageons à moyen terme d’ouvrir un ou deux centres d’expertise en Asie. Toutefois, je pense que la croissance internationale n’est pas la seule stratégie. Il y a encore du potentiel sur les marchés domestiques, qui requiert des connaissances fines du marché local.

Qui sont les principaux intervenants ?
IMS Health est le leader du secteur mais principalement pour une activité à partir de bases de données et donc moins directement concurrent sur le segment des études ad’hoc. Les grands instituts (Kantar, Gfk et Ipsos) sont bien évidemment présents, en particulier et comme A+A, sur les études internationales et quantitatives. Au niveau de chaque pays, il y a par ailleurs de nombreux acteurs locaux, plus petits qui réalisent des études domestiques qualitatives ou quantitatives. A+A est bien sûr un acteur majeur sur le marché domestique français. La branche médicale de ces instituts généralistes est assez différenciée du reste des équipes. L’expertise médicale est un prérequis pour pouvoir comprendre et répondre à la problématique du client et s’adresser aux cibles visées (les médecins) dans leur langage ainsi que pour construire des plans d’études prenant en compte l’organisation du système de santé. Dans cet environnement, A+A se positionne clairement comme un acteur international avec plus de 80% de son activité consacrée à l’étude de marché hors de France, dont 20% sur le marché domestique américain. Par ailleurs, les études quantitatives représentent plus de 70% de notre chiffre d’affaires (28 millions d’€).

Quelles évolutions constatez-vous dans les techniques et méthodologies déployées ?
On voit se développer les interviews qualitatives téléphoniques en domestiques et à l’international. Aux Etats-Unis, il est interdit d’interroger un médecin dans son cabinet en raison de la confidentialité pour le patient. Les interviews et focus groups sont donc réalisés à l’extérieur ou par téléphone. Au cours de ces interviews, les stimulis (profil produit ou outil de communication à tester) sont présentés sur un site web dédié. De même, on voit se développer les groupes de discussion en ligne qui se déroulent sur plusieurs jours.

Quelles sont les incidences des nouvelles technologies comme le Big Data ?
Le Big Data est clairement un axe de développement dans notre secteur. Il existe de nombreuses bases de données sur la consommation de soins qui peuvent être exploitées. Dans ce sens, les Etats-Unis sont très en avance avec d’importantes bases de données qui reposent sur les demandes de remboursement de soins (‘claims data’) ou sur des dossiers de soins qui sont numériques et anonymisés (EMR : Electronic Medical Records). Ces dernières sont toujours en cours de consolidation, en raison des sources hétérogènes et atomisées. Toutefois, il est certain qu’elles permettront de mieux comprendre les parcours de patients et leur consommation de soins. En France, les hôpitaux renseignent une large base de données nommée PMSI où les informations de chaque hospitalisation sont saisies et servent de base au paiement des séjours hospitaliers. C’est une base des millions de séjours annuels. D’autres données qui concerneraient les soins en ville devraient devenir disponibles, mais toujours, bien sûr dans des conditions drastiques d’accès. En parallèle, a lieu toute l’effervescence autour des objets connectés et du Quantified self mais dont l’utilisation dans le cadre des études marketing reste à cerner.