Les chatbots dans la mode, entre émergence et réticence

Les chatbots dans la mode, entre émergence et réticence

2017 : Une année clé pour l’intelligence artificielle

Grâce aux progrès technologiques, l’intelligence artificielle (IA) est devenue aujourd’hui une réalité quand elle relevait encore, il y a quelques années, de la science-fiction.
Les applications de l’intelligence artificielle sont désormais nombreuses et font partie de notre vie quotidienne : voitures autonomes, robots intelligents, reconnaissance faciale, recommandations de produits en ligne, assistants vocaux tels que Siri et Google Home, ou encore les chatbots.
Cependant, l’intelligence artificielle est encore assez récente dans le monde du marketing. Elle redéfinit la façon dont les consommateurs interagissent avec leurs marques favorites. En avril 2016, lors de F8, la conférence annuelle de Facebook pour les développeurs, Mark Zuckerberg a déclaré : « Nous pensons que vous devriez pouvoir envoyer un message à une entreprise de la même façon que vous envoyez un message à vos amis. ». Le CEO de Facebook fait référence aux chatbots (chat + robot), ces robots qui utilisent l’intelligence artificielle pour discuter avec des humains sur des plateformes de messagerie comme Facebook Messenger ou sur des sites internet. Les chatbots peuvent être comparés aux emails. Quand les marques ont commencé à utiliser les emails dans la relation client, ceux-ci étaient un excellent moyen de connecter, tenir au courant et engager les consommateurs. Les chatbots peuvent donc devenir une réelle valeur ajoutée pour les marques, car ils permettent de créer un fort engagement de la part de l’utilisateur.

L’émergence des chatbots sur Facebook Messenger

Depuis le lancement des chatbots sur Messenger en avril 2016, au moins 200 000 bots ont été créés sur la plateforme. De nombreuses entreprises, comme Voyages SNCF, Uber, Sephora ou encore France Info, se sont emparées du phénomène et ont lancé leur chatbot. Il est ainsi possible de réserver un billet de train, une nuit d’hôtel, trouver un restaurant, des idées de sorties, recevoir des news et envoyer de l’argent via les chatbots. Les marques sont maintenant présentes dans la sphère privée des consommateurs. Là où les consommateurs discutaient seulement avec leurs amis, ils peuvent désormais interagir avec leur marque préférée.

Les plateformes de messagerie, le commerce mobile, et commerce conversationnel à l’origine du succès des chatbots

Le succès des plateformes de messagerie comme Messenger, Whatsapp ou Wechat, associé au développement du commerce mobile, e-commerce et commerce conversationnel, et à l’effondrement des applications mobiles, ont contribué à l’émergence des chatbots.
Le CEO de Microsoft, Satya Nadella a déclaré en mars 2016 lors de sa conférence annuelle pour les développeurs : « Les bots sont les nouvelles applications ». En effet, les chatbots sont aujourd’hui le plus souvent utilisés sur des applications de messagerie comme Facebook Messenger. Le consommateur n’a plus d’applications à télécharger et peut directement interagir avec une marque via Messenger, interface avec laquelle il est familier. On parle ainsi aujourd’hui de e-commerce conversationnel, qui met la conversation entre les marques et les consommateurs au cœur de l’expérience consommateur. Ces derniers privilégient désormais les relations directes et personnalisées avec les marques.
L’heure est également au commerce sur mobile. Les consommateurs ne quittent plus leur smartphone et peuvent interagir avec leur marque à tout moment et n’importe où.

Étude des facteurs influençant l’adoption et l’intention d’utiliser les chatbots sur Facebook Messenger dans la mode

La « fast fashion », qui repose sur des prix bas et le renouvellement rapide des collections de vêtements, a très vite entraîné une forte demande des consommateurs. C’est ainsi que l’on a vu apparaître de plus en plus de sites de e-commerce afin de répondre à la demande croissante.
Le processus d’achat en ligne comprend 5 étapes : depuis le besoin, en passant par la recherche d’information, de solutions alternatives, jusqu’à la décision d’acheter et l’étape après l’achat. Le chatbot peut être une solution qui répond à une partie ou à toutes les étapes du processus d’achat. Il peut également répondre aux leviers qui poussent à l’achat en ligne et aider à surmonter certains obstacles à acheter en ligne comme la peur de ne pas recevoir son achat à temps.
L’impact des facteurs suivants, sur l’intention du consommateur d’utiliser un chatbot pour chercher et acheter des vêtements, a ainsi été étudié directement auprès des consommateurs :
le plaisir d’utiliser le chatbot, la facilité d’utilisation, l’utilité, la compatibilité du chatbot avec le mode de vie et la façon d’acheter des vêtements, et les risques liés au chatbot.
Un modèle de recherche a donc été développé après une revue de littérature et l’étude de modèles scientifiques approuvés. Les hypothèses ont été testées grâce à un questionnaire en ligne distribué à 195 personnes.

Réticence à utiliser un chatbot pour des achats de vêtements

Les résultats indiquent que les consommateurs ne sont pas très enclins à utiliser des chatbots pour leurs achats de vêtements en ligne. Le besoin de toucher et essayer les vêtements a largement été mentionné, et représente l’un des obstacles le plus souvent rencontrés en e-commerce. De plus, les consommateurs privilégient l’ordinateur au smartphone pour leurs achats de vêtements en ligne. Or les utilisateurs de Facebook Messenger utilisent le plus souvent la messagerie sur leur téléphone. Les usages du shopping de vêtements en ligne et de Messenger sont donc opposés.
Cependant, l’étude révèle également que plus le chatbot est perçu par le consommateur comme plaisant, utile, facile à utiliser, et compatible avec le consommateur, plus ce dernier aura l’intention de l’utiliser pour son shopping de vêtements en ligne.

Créer un chatbot plaisant, utile, et facile à utiliser pour une meilleure expérience client

Créer un chatbot plaisant signifie créer une personnalité au chatbot qui correspond au profil consommateur de la marque. Cela passe par le nom du chabot, le visuel du logo, le style d’écriture, sa façon de s’adresser au consommateur. Il ne faut pas oublier que le chatbot est présent sur Messenger, une plateforme initialement créée pour discuter avec ses amis. Plus un chatbot sera perçu comme plaisant, plus il sera perçu comme utile et facile à utiliser par le consommateur. Le chatbot HelloAlix, lancé par la start-up DealOn sur Messenger, propose aux hommes de les conseiller dans leurs achats de vêtements et accessoires de mode. Le chatbot s’appelle Alix et tutoie tout de suite son interlocuteur afin d’engager la conversation et apprendre à mieux le connaître (www.alix.chat).

Un chatbot utile pour le consommateur sera un chatbot capable de répondre à n’importe quelle question de l’utilisateur et devra aider le consommateur à trouver exactement ce qu’il cherche. Une marque de vêtements pourra par exemple utiliser le chatbot comme styliste personnel qui donne des conseils personnalisés au consommateur. C’est le cas du chatbot lancé par Tommy Hilfiger. D’emblée, le chatbot invite son interlocuteur à lui décrire son style (coloré, classique cool, glam chic, sport), et demande à en savoir plus sur ce que le consommateur recherche exactement. Est-ce pour s’habiller chic ou décontracté ? Est-ce pour aller faire du shopping, pour aller bruncher ? Le chabot pose ainsi une suite de questions pour finalement proposer une tenue complète à son interlocuteur. La marque H&M a développé exactement le même concept de styliste personnel sur la plateforme KiK.
Un chatbot pour le e-commerce peut également être utilisé pour le service après-vente : indiquer les informations relatives à la livraison, assister la personne en cas d’échange ou retour du produit. La marque de luxe Burberry qui fut l’une des premières à lancer son chatbot sur Messenger pendant la Fashion Week en septembre 2016 a développé un outil sur son chatbot dédié au service client. Le consommateur peut demander des informations sur des produits, leur disponibilité, comment les entretenir, ou encore revoir, suivre ou annuler ses commandes, connaître les méthodes de paiement et les magasins les plus proches. Pendant l’achat, si le produit n’est plus en stock, le chatbot peut être là pour recommander d’autres produits similaires, et peut recontacter l’acheteur quand le produit est de retour en stock. Le chatbot doit donc tout faire pour que l’expérience client soit la plus simple possible.

Une marque de vêtement peut avoir un impact sur la facilité d’utilisation du chatbot au moment de la conception du bot. En effet, il existe deux types de chatbots. Les chatbots linéaires, qui utilisent des boutons sur lequel l’utilisateur clique pour donner une réponse, et les chatbots non linéaires qui permettent à l’utilisateur d’avoir une conversation normale avec la marque. Dans ce dernier cas, l’utilisateur arrive plus vite à ce qu’il cherche, car le chatbot est plus intelligent et est capable de comprendre et réagir très vite aux demandes de l’utilisateur. Mitsuku est un exemple de chatbot non linéaire qui a obtenu le prix de Loebzner à plusieurs reprises. Il n’a rien à voir avec le secteur de la mode, mais est aujourd’hui l’un des chatbots les plus intelligents qui existent. Mitsuku est un ami virtuel disponible 24 h/24 h à qui l’on peut tout demander et qui répond à tout. Il est désormais disponible sur Messenger. Dans le cas du chatbot linéaire, l’expérience peut très vite devenir frustrante, car la relation va dans un seul sens, l’utilisateur se contente de répondre aux questions du chatbot. Il est ainsi recommandé aux marques d’investir dans un chatbot non linéaire. Ainsi, un chatbot perçu comme utile et facile d’utilisation mènera plus probablement à un acte d’achat de la part du consommateur.

Enfin, un chatbot compatible avec le mode de vie du consommateur et la façon dont il fait ses achats de vêtements en ligne aura également un impact positif sur le comportement du consommateur. Il est donc recommandé aux marques d’étudier le profil et les habitudes de leurs consommateurs actuels afin d’offrir une expérience chatbot adaptée à ses utilisateurs.

Chatbots et sécurité en ligne

Cette étude a également révélé que les consommateurs ne se sentent pas assez en sécurité sur Messenger pour confier leur information de carte de crédit au chatbot. En effet, une solution de paiement a récemment été intégrée sur Messenger et il est désormais possible d’envoyer de l’argent directement via la plateforme. Le chatbot devra donc bien assurer au consommateur que la transaction est sécurisée et expliquer la marche à suivre pour un premier paiement.

Créer une expérience consommateur unique grâce au chatbot

Grâce au chatbot, les marques ont donc l’opportunité de créer une expérience consommateur unique, personnalisée, positive et plus conversationnelle. Les chatbots se révèlent être un gain de temps pour le consommateur. De plus, ils sont utiles, pratiques, faciles à utiliser. Le chatbot permet à la marque de collecter de précieuses informations sur ses utilisateurs, et donc de personnaliser la relation client. Lancer un chatbot a également d’autres avantages : la marque est désormais disponible pour ses consommateurs à tout moment. Les marques peuvent créer des chatbots à mi-chemin entre un conseiller réel et un chatbot complètement automatique. Le chatbot peut répondre seul aux questions les plus simples et l’humain peut intervenir en cas de problèmes ou questions plus complexes. Le chatbot permet ainsi d’atteindre plus de consommateurs, et peut être un moyen d’augmenter ses ventes, d’améliorer son image de marque, voire d’amener plus de consommateurs en magasin.

L’article a été co-écrit avec Kristof Coussement, Enseignant-chercheur à l’IÉSEG, et Claire Bihoreau, étudiante.