Internet a une influence croissante sur la façon dont sont menées les
études en face à face ou au téléphone. En tant que « média logiciel et
multimédia », Internet permet d’accroître la performance de
certains processus méthodologiques traditionnels. En tant que mode
d’interrogation « auto-administré », il enrichit et prolonge les
dialogues interviewés/intervieweurs établis au téléphone et en face à
face.
L’arrivée à maturité des études via Internet se traduit par une
imbrication de plus en plus fréquente entre l’approche online et
l’approche offline (téléphone ou face à face).
Au lieu de fonctionner en silos, avec des méthodologies téléphone, face
à face et web conçues comme étanches, l’expérience montre tout
l’intérêt de croiser les dispositifs. Il s’agit de
s’appuyer sur les domaines d’excellence du téléphone et du
face à face en y associant les qualités du web, pour le recrutement et
l’organisation des terrains, l’interrogation et le recueil,
la saisie des données et la diffusion des résultats.
Petit inventaire de cette fertilisation croisée.
La puissance du online pour le recrutement d’études en face à face
Le online est d’abord un outil très puissant pour le recrutement et
l’organisation de terrains, en face à face ou au téléphone.
Internet est un moyen rapide et économique de contacter un grand nombre
d’individus afin de leur proposer de participer à une réunion de
consommateurs, un screen test, ou même une enquête téléphonique.
Concernant les réunions de consommateurs, nous avons eu l’occasion
de démontrer l’efficacité d’un recrutement en deux temps,
avec pour commencer un screening Internet, suivi d’une sélection
téléphonique.
Le recrutement par Internet peut aussi être utilisé pour des enquêtes
quantitatives en face à face. De plus en plus d’auditoriums radio
sont constitués à partir de pré-recrutement online. Comme les
auditoriums nécessitent de rassembler plus d’une centaine
d’auditeurs de telle ou telle station, le screening online
facilite grandement la sélection des participants. Il est aussi utile
pour organiser des screen-tests cinéma (projections de films en
avant-première afin de recueillir l’avis du public avant sa
sortie). Dans ce cas, le public est sélectionné par une série de
questions sur ses pratiques de fréquentation et sa consommation cinéma.
Une première enquête en ligne permet de faire réagir les spectateurs sur
le titre, l’affiche et la bande annonce. Les participants
sélectionnés peuvent assister à la projection et répondre à un deuxième
questionnaire sur place, puis à un questionnaire en ligne une fois
rentrés chez eux. La méthode du screening online suivi de la sélection
téléphonique sert aussi beaucoup pour faire des castings de
témoins.
Le recrutement en ligne peut aussi précéder une phase d’enquête
par téléphone. Nous avons eu l’occasion d’inviter 2000
personnes à écouter une tranche horaire de radio puis nous les avons
interrogées juste après par téléphone. Dans ce cas, le online permet
l’identification d’une population (en particulier lorsque la
pénétration est faible) et facilite la prise de rendez-vous
(l’interviewé potentiel se pré-inscrit et indique sur quel numéro
il sera joignable). Cette solution fonctionne y compris auprès de
personnes difficiles à joindre sur une ligne de téléphone classique
(mobile only, VOIP, profils refusant à priori de participer à une
enquête téléphonique).
Inversement, le téléphone est également utile en amont d’études
online qualitatives car un contact direct avec les participants permet
de sélectionner finement les consommateurs et de s’assurer de leur
motivation.
L’enquête en face à face avec auto-administration online
De plus en plus d’études en face à face sont administrées par
Internet. Les consommateurs sont recrutés dans la rue ou bien invités
par Internet à se rendre dans une salle. Ils sont accueillis par un
responsable de terrain qui les guide vers des ordinateurs connectés et
qui leur transmet au fur et à mesure du questionnaire les éléments à
tester. Les interviewés auto-administrent leur questionnaire directement
sur l’ordinateur ce qui facilite ensuite le traitement des données
recueillies sous le contrôle du responsable de terrain qui peut répondre
aux questions éventuelles des participants.
Cette méthodologie permet de présenter aux interviewés du matériel qui
ne serait pas transmissible en ligne ou par poste : on peut ainsi faire
déguster des produits alimentaires frais. Cela permet aussi de maîtriser
parfaitement les stimuli testés et de préserver la confidentialité
absolue du matériel qui ne quitte ainsi pas le lieu du test. Cela permet
également d’orchestrer physiquement la passation du questionnaire
en maîtrisant sa durée et son organisation (stimuli, incentive, etc.)
sans avoir besoin d’une équipe d’enquêteurs.
Cette méthodologie hybride mixe les avantages du face à face et du
online.
Le online combiné au téléphone
Les sociétés de terrain téléphonique et les logiciels CATI permettent de
plus en plus souvent de basculer selon les besoins sur un mode
d’interrogation ou sur un autre. Pour une même enquête, une
population pourra être sollicitée sur le téléphone ou via Internet.
Phénomène plus original, on constate que les deux peuvent aussi être
utilisés simultanément ou successivement.
Plusieurs instituts d’études proposent des enquêtes par téléphone
assistées par Internet. Le principe consiste à proposer à
l’interviewé, s’il est équipé d’un ordinateur
connecté, de se mettre devant son PC pour répondre à certaines
questions. Il reçoit par mail un lien, ou est invité à se rendre sur une
adresse url. Il bénéficie d’une assistance visuelle pendant
l’interrogation téléphonique, et peut voir des images, des vidéos,
des textes, etc. Avec cette combinaison téléphone + web, la dimension
audio du téléphone est complétée par la dimension audio-visuelle du
web.
Une enquête téléphonique peut également faire l’objet d’un
prolongement online. En effet, il est tout à fait possible
d’interroger des consommateurs par téléphone dans une première
phase, puis de proposer aux interviewés équipés de poursuivre
l’enquête online. Cette approche en deux temps permet de profiter
des avantages de chaque méthodologie.
Le web comme moyen de centralisation des données
Le web est un formidable outil pour orchestrer une enquête nationale, au
téléphone ou en face à face. En effet, le CAWI rassemble au fur et à
mesure les données collectées par les enquêteurs sur un serveur unique.
Ils peuvent soit taper en direct pendant l’interview sur le
questionnaire web, soit reporter les informations une fois
l’enquête terminée.
Cette centralisation sur le web permet de s’affranchir des call
centers et donne une grande liberté à chacun pour gérer son
questionnaire. L’enquêteur peut à sa guise saisir toutes ses
données et voir en temps réel les données saisies par les autres
enquêteurs, tout en travaillant depuis son domicile. Cette approche
facilite la responsabilisation et le contrôle des enquêteurs, car on
peut très simplement rappeler un interviewé et vérifier les infos
recueillies auprès de lui par l’enquêteur. Elle permet à chaque
enquêteur de travailler à son rythme, de son domicile, ce qui recrée les
conditions d’une conversation téléphonique normale et évite le
brouhaha des plateformes d’appel. Dans une atmosphère plus
intimiste, l’interrogation téléphonique est plus naturelle, moins
mécanique et moins taylorienne.
Ces divers exemples illustrent tout ce que le web peut apporter aux
méthodologies offline. Inversement, les études online ne sont pas
purement virtuelles. Elles peuvent tout à fait s’articuler avec
des actions ou des interactions dans le monde réel. L’interviewé
online peut recevoir des produits par la poste, accomplir des missions
en magasin, photographier ou filmer son environnement, tout en restant
immergé dans sa réalité quotidienne.