Individualiser la relation client en gardant sa confiance

Relation et confiance client

L’utilisation de l’IA s’accompagne de contraintes réglementaires croissantes. La Banque Postale, banque citoyenne très attachée à la relation de confiance avec ses clients, se montre très sensible à ce sujet. L’IA appliquée au marketing permet d’apporter des réponses plus adaptées au profil de chaque client et facilite le travail des conseillers. La culture « data centric » suppose de former les collaborateurs… et d’attirer de nouveaux talents.

Survey-Mag : Pouvez-vous nous citer les freins à l’utilisation de l’IA en marketing ?
Clément Panet : Dans la banque, l’utilisation de l’IA en marketing rencontre les mêmes obstacles que dans tous les domaines d’activité : ils sont réglementaires (que peut-on faire des data ?), techniques (comment exploiter les datas ?), humains (quelles sont les compétences nécessaires ?) et organisationnels (quelle organisation mettre en place ?).

L’émergence de l’ère data se caractérise notamment par une explosion des volumes de données produites, stockées et exploitées, qui été suivie d’une montée en puissance de la réglementation dans ce domaine. Les banques sont soumises à la DSP2 (depuis peu) qui pousse à l’ouverture de leurs données et les incite donc à innover pour exploiter les données des autres, mais également au RGPD qui vient encadrer l’exploitation des données personnelles et limiter par la même la collecte de données. Cette réglementation permet également de renforcer la confiance des clients sur l’utilisation de leurs données, sujet important pour La Banque Postale.

Quels prérequis pour développer l’IA au sein d’une banque ?
Il faut tout d’abord disposer de données de qualité et d’une infrastructure informatique qui permette de les exploiter. L’émergence de plateformes dites « Big Data » répond en partie à ces exigences en offrant la possibilité de concentrer en un unique lieu un gros volume de données, de tout type (données traditionnelles structurées et nouvelles données non structurées telles que les images, les voix) avec des capacités de calcul performantes. Si les plateformes sont facilement intégrables pour les nouveaux acteurs nativement « data centric » (Gafa, startup, les fintech), les entreprises plus traditionnelles sont confrontées à une multiplicité de SI aux technologies hétérogènes, à des données encore « silotées » entre les activités (filiales, maison-mère) ou les typologies de clients (personne physique, personnes morales).

« Il faut attirer les jeunes talents et accompagner les collaborateurs. »

A technologies spécifiques, compétences inédites : quelles compétences recherchez-vous ?
Il est indispensable de disposer des talents data pour mener à bien les projets IA de bout en bout, de l’expérimentation à l’industrialisation. De nouvelles fonctions ont vu le jour pour garantir la gouvernance des données (chief data Officer, data quality officer, data manager…), les valoriser (data analyst, data scientist, data engineer), aider à l’industrialisation des projets (DevOps), diffuser la culture data auprès de tous (data evangelist) ou encore veiller à la conformité réglementaire des traitements (data Protection Officer) … Même si de plus en plus de formations se sont développées dans ces domaines, les compétences demeurent rares sur le marché. L’un des défis est d’attirer les jeunes talents, les fidéliser mais également accompagner les collaborateurs dans leur montée en compétence sur ces nouvelles fonctions.

La culture data est encore trop cantonnée aux directions dont la data est historiquement au coeur de l’activité (directions marketing, des risques, directions informatiques). Pour devenir « data centric », tous les collaborateurs doivent intégrer les enjeux de la data, du chef de projet qui doit intégrer « bydesign » les données à collecter pour mettre en place les indicateurs de suivi du projet (KPI), au conseiller financier qui doit avoir conscience de l’importance de saisies de données exhaustives et justes.

Ces nouvelles technologies et compétences multidisciplinaires, amènent les entreprises à repenser leur organisation du travail, pour casser les silos existant entre les directions et réduire le « time-tomarket » des projets.

Quelles sont vos pratiques à La Banque Postale pour développer la culture « data » ?
La Banque Postale, est très impliquée sur ce sujet. Elle co-anime avec la Société Générale le groupe « banque et assurance » du Hub France IA dont elle est membre fondateur. Elle est également l’un des mécènes fondateurs de la Chaire Finance Digitale avec l’université Paris 2 Panthéon-Assas et l’école d’ingénieurs Télécom ParisTech.

Outre la centaine d’experts data des métiers (particulièrement concentrés dans les métiers marketing, risque et sécurité financière), une direction centrale dédiée à la data a été créée, pour traiter les sujets relatifs à la gouvernance, la qualité, la compliance avec la réglementation et la valorisation des données. Cette organisation hybride permet d’assurer la coordination sur tous les sujets data tout en laissant une autonomie aux métiers.

Pour accroitre l’expertise data, des formations sur les technologies IA (algorithme de machine learning, et de deep learning sous Python, technologie de reconnaissance de langage naturel NLP..) ont vu le jour. Afin de favoriser la synergie et le partage d’expérience entre experts data, des ateliers d’échanges sont également régulièrement programmés et des communautés regroupées par spécialités (data scientist, développeurs, data manager) mais ouvertes.

Par ailleurs, pour diffuser la culture data au sein de tout le groupe, des événements inter métiers sont organisés et des modules de sensibilisation à l’IA, au Big Data, à la data science ouverts à tous les collaborateurs.

En matière d’infrastructure, La Banque Postale s’est dotée d’une plateforme Big Data et a créé un « lac de données » (datalake en anglais) de qualité, sécurisé et partagé par tous les métiers. Outre les performances de calcul offertes, cette plateforme permet également la co-construction de projets IA avec les métiers puisque les outils d’analyse choisis sont collaboratifs. Ainsi, la fluidité entre les data scientists, les experts informatiques et les experts métiers, triptyque indispensable pour dépasser le stade de l’expérimentation, s’en trouve améliorée.

Comment l’IA contribue-t-elle à la transformation digitale de la Banque postale ?
Lorsque l’on parle de transformation digitale, on en attend une amélioration de l’expérience client via un parcours client plus simple et fluide et une hyper personnalisation des offres et des services proposés.

L’intelligence artificielle contribue pleinement à cette transformation digitale, puisqu’elle a des champs d’application dans tous les domaines et sert quatre finalités : mieux vendre les produits et services, mieux se protéger contre les risques, mieux produire et mieux servir les clients. Les deux premières finalités sont les plus anciennes. En effet historiquement les banques collectent des données sur leur client pour mieux les connaitre mais également pour identifier les risques en matière de crédit, de fraude, de blanchiment, sur lesquels des exigences réglementaires fortes sont posées. La force des technologies actuelles mises en œuvre pour l’IA, réside dans le fait que le volume de data analysées et croisées entre elles s’est considérablement accru et que les algorithmes de machine learning (machines apprenantes) sont plus performants, permettant ainsi d’améliorer grandement la précision de ces modèles prédictifs historiques.

« Avec l’IA, on passe du marketing de masse au marketing individualisé. »

Ainsi, appliquée au domaine du marketing, l’IA permet à La Banque Postale de connaitre encore plus finement qu’auparavant ses clients (analyse des clients a 360°), de mieux anticiper leurs besoins grâce à la détection de moments de vie (départ à la retraite, parentalité, déménagement, voyage, travaux…), aux modèles de recommandations de produits (proposition de produits qui se ressemblent, proposition de produits consommés par des clients qui se ressemblent d’un point de vue comportement ou data, mixte des deux approches) ou encore de détecter suffisamment en amont leur souhait de départ (modèle de Churn) pour mettre en place des actions qui les retiendront.

La data facilite le travail des collaborateurs dans le sens où une meilleure connaissance des clients bénéficie aux conseillers financiers qui gèrent des grands portefeuilles et qui vont pouvoir personnaliser leurs conseils. Avec l’IA on passe du marketing de masse à un marketing individualisé.

En outre, grâce aux formidables avancés en matière de traitement des données de type voix ou texte, les agents conversationnels (Chatbot) permettent une plus grande fluidité du parcours client. Ainsi, à La Banque Postale, le service-après-vente (3639) utilise ces technologies de reconnaissance de langage naturel (écrit ou parlé) pour mieux orienter le client 7/7 et 24H/24H.

Enfin, l’IA à La Banque Postale facilite le travail au quotidien des employés (ce qui concourt au « mieux servir » nos clients) grâce par exemple à la préparation automatisée des entretiens des conseillers avec leurs clients ou encore à la préconisation automatique de produits basées sur les données des clients rencontrés. Dans les back-offices, les projets d’automatisation de tâches répétitives (dans le cadre des traitements des réclamations par exemple) se multiplient et permettent d’améliorer les temps de traitements des demandes clients mais également de décharger les collaborateurs qui peuvent se concentrer sur des activités d’analyses à plus forte valeur ajoutée.