Faire du Big Data autrement : comment allier performance, valeur & confiance ?

Faire du Big Data autrement : comment allier performance, valeur & confiance ?

Les possibilités offertes par le traitement des Big Data (ou données massives) créent des opportunités de connaissance client sans précédent, source potentielle de personnalisation très forte des offres et de la relation client mais aussi de vraie différenciation face à la concurrence. Les technologies utilisées aujourd’hui pour collecter, traiter et exploiter ces données accroissent chaque jour davantage les avantages qui peuvent être retirés de ces pratiques, tant du côté du client que du côté des organisations qui les mettent en place, tout en obligeant à prendre des précautions particulières, notamment en termes de protection des données et de la vie privée des usagers.

LES ENJEUX LIÉS AU BIG DATA

Avec l’usage croissant d’outils technologiques toujours plus performants, le développement rapide du e-commerce, du m-commerce voire du f-commerce, l’essor sans précédent des réseaux sociaux et, demain, l’explosion des objets connectés, les questions concernant la collecte, l’usage, le partage, l’exploitation, la valorisation et la protection des données s’avèrent prégnantes à la fois pour les acteurs privés et en termes de politique publique. L’exploitation sans précédent de nos données se fait-elle pour notre plus grand bien ou, au contraire, à notre insu ? Comment contribuer à ce mouvement qui, en tant que consommateur, usager ou simple citoyen, nous dépasse largement et en tirer parti sans pourtant tomber dans les travers du fameux Big Brother ? L’environnement dans lequel nous vivons bouleverse en effet de nombreux codes amenant à se demander ce que représente aujourd’hui la vie privée et si un tel état est toujours désiré et/ou possible dans le monde interconnecté qui est le nôtre aujourd’hui.

Le degré actuel de discussion autour de ces questions montre qu’il s’agit d’un sujet important à la fois pour les citoyens en général et les consommateurs en particulier qui souhaitent maitriser au maximum ce que les organisations savent sur eux, pour les entreprises elles-mêmes qui doivent identifier le seuil à ne pas dépasser pour que leurs actions commerciales ne soient pas perçues comme intrusives et, enfin, pour les pouvoirs publics qui doivent trouver un compromis entre la protection de l’individu et le nécessaire progrès économique, d’une part et niveau de sécurité, d’autre part. De nombreux médias avaient parié que tant que les enjeux de vie privée ne seraient pas pris en compte par les organisations, les consommateurs refuseraient d’adopter certains outils ou services digitaux, pouvant ainsi mettre en péril le développement économique. Si la réalité est plutôt venue les démentir, il reste certain que l’exploitation des Big Data représente clairement un des enjeux de management majeurs pour les cinq prochaines années.

UN NÉCESSAIRE RETOUR SUR INVESTISSEMENT

L’acquisition et le traitement de ces données massives par les entreprises du secteur traditionnel de l’industrie ou du commerce représentent un investissement élevé : nouvelles compétences, nouveaux outils qui génèrent souvent une transformation importante des procès et des organisations. Pour elles, il s’agit d’identifier rapidement les manières de créer de la valeur afin d’obtenir un ROI sur ces investissements.

Ces outils et techniques du Big Data sont par ailleurs devenus le cœur d’activité d’un nombre croissant d’entreprises qui valorisent leurs actions digitales à travers des indicateurs le plus souvent quantitatifs (taux de conversion, taux de transformation, …).

Face à cette montée en puissance technologique, nous assistons toutefois en parallèle à une prise de conscience accrue de la part des consommateurs et des usagers de l’utilisation quasi systématique de leurs données, parfois même au-delà du contexte initial (données transmises à des tiers, tracking, etc.) et sans toujours de valeur ajoutée supplémentaire pour eux. Le comportement des clients / consommateurs évolue en conséquence et nous assistons ainsi à une méfiance accrue vis-à-vis de certains acteurs. Les enjeux sont d’autant plus importants dans les secteurs où la donnée est par nature sensible (santé et finances notamment) et où les tiers de confiance ont un rôle stratégique à jouer.

LE BIG DATA : COMMENT EST-CE PERÇU CÔTÉ CLIENT / USAGER ?

Les études menées sur la thématique de l’exploitation de la donnée amènent à faire plusieurs constats :

- Il existe, en France comme aux USA, un niveau d’inquiétude élevé de la part des consommateurs concernant la collecte et l’usage de leurs données
- Les préoccupations les plus fortes concernent la transmission des données à des tiers, le tracking conduisant ensuite à ce qui est dénoncé comme un véritable matraquage publicitaire et l’absence de transparence sur l’usage des données
- Le niveau de confiance des consommateurs envers les entreprises qui collectent ou utilisent leurs données est largement sous tension et plutôt en baisse
- Le modèle publicitaire actuel qui repose sur une utilisation accrue des données clients montre certaines limites et commence à être décrié par certains consommateurs
- La valeur restituée aujourd’hui aux clients n’est pas suffisante ou ne correspond entièrement pas aux attentes de ces derniers

Si, malgré les inquiétudes évoquées ci-dessus, les usages vont globalement dans le sens d’une acceptation croissante des techniques du marketing digital, force est donc de constater que l’acceptation est loin d’être unanime et systématique.

La montée en puissance des adbloqueurs montre bien cette défiance d’une partie de la population envers les formats publicitaires actuels, avec des conséquences économiques qui sont loin d’être négligeables. D’autant que le taux d’utilisation actuel d’adbloqueurs peut monter à plus de 40% chez les 18-29 ans, cette fameuse génération Y, hyperconnectée, et dont on aurait pu penser qu’elle était plutôt friande de ce type de modèle publicitaire.

UNE RECHERCHE DE PERFORMANCE SOUS CONTRAINTE

Certaines études mettent clairement en évidence le fait que les organisations sous-estiment très largement les préoccupations des utilisateurs quant à l’usage de leurs données et surestiment la volonté de ces derniers d’accepter des messages commerciaux et publicitaires. Ainsi seuls 6% des consommateurs seraient prêts à recevoir des messages publicitaires de la part de toutes les entreprises avec lesquelles ils sont déjà en contact. Les consommateurs sont également davantage attentifs à ce qu’ils reçoivent en échange de leurs données. Il existe donc, pour les organisations, un intérêt majeur à identifier les stratégies et pratiques permettant de contribuer à un management des données clients certes performant, mais surtout plus transparent, davantage responsable et partagé.

D’autant que ces organisations interviennent aujourd’hui dans un contexte réglementaire en pleine mutation et qui risque de devenir, en Europe au moins, de plus en plus contraignant. Le Règlement Européen à venir envisage en effet de nouveaux droits pour le consommateur (comme le Droit de portabilité ou le Droit à l’oubli) tout en renforçant les contraintes légales pour les entreprises.

De l’ensemble de ces constats est née la conviction suivante : Si l’environnement digital qui est le nôtre aujourd’hui implique de fait une exploitation accrue des Big Data, les pratiques sous-jacentes ne pourront être acceptées par les consommateurs / citoyens et donc être réellement performantes que si elles sont réellement transparentes et qu’elles créent une valeur imaginée et partagée avec eux.

La recherche de performance immédiate pourrait en effet facilement faire perdre de vue l’objectif premier des techniques de CRM qui est de pérenniser la relation à la marque. Il est dès lors urgent que les organisations identifient clairement quelles sont leurs marges de manœuvre dans ce domaine. Plusieurs travaux récents montrent en effet un lien fort entre un management efficace des données et 1/ la productivité, 2/ la performance des actions marketing et 3/ la performance financière. Preuve s’il en était besoin qu’un management responsable des Big Data aurait le pouvoir d’améliorer la fidélité des clients et donc la profitabilité des organisations.

COMMENT(R)ÉTABLIR LA CONFIANCE ?

Les consommateurs sont le plus souvent tout à fait enclins à créer un lien, parfois très fort, avec leur marque de vêtement, de yaourts ou d’articles de sports préférée. Ils sont également prêts à partager des informations de nature personnelle avec cette marque. Mais pas à n’importe quel prix. Ils veulent toujours plus de service. Ils veulent se sentir privilégiés. Ils recherchent une offre certes personnalisée mais sans que cela soit au détriment de la préservation de leur intimité.

Pour que le Big Data trouve toute sa valeur et son efficacité, les organisations devront mettre en place un management des données qui inclut 4 engagements majeurs susceptibles d’établir voire de rétablir la confiance des consommateurs dans ce domaine.

Engagement n°1 : Transparence

La plupart des consommateurs n’ont pas conscience de tout ce qui se passe avec leurs données. Mais ils se sentent clairement de plus en plus traqués. On sait ce qu’ils font, ce qu’ils consultent et cela leur fait peur. Moins ils comprennent et plus ils sont susceptibles d’imaginer le pire. Faire preuve de pédagogie est donc le meilleur moyen de rassurer les consommateurs. Trois types d’informations doivent être fournis : quelles données sont collectées sur eux, pourquoi a-t-on besoin de ces données et quels sont les usages prévus ?

Engagement n°2 : Choix et Maîtrise des données

Ce n’est pas parce qu’un consommateur a fourni de son propre gré des informations à une marque, a posté des informations sur un réseau social ou s’est laissé géo-localisé qu’il a donné son consentement à ce que toutes ces informations soient combinées entre elles et/ou utilisées à des fins commerciales par la suite. Autrement dit : Ce n’est pas parce qu’il n’a pas dit Non qu’il a dit Oui. Il peut paraitre trivial voire inutile de demander au client la permission d’utiliser des données qu’il a volontairement laissées ou qu’on est susceptible de récolter sur lui mais le faire montre qu’on le respecte et par extension qu’on valorise son choix. Laisser le choix au consommateur est le meilleur moyen pour qu’il se sente en confiance et valorisé et pour qu’il accepte de fournir davantage de données. Bien évidemment les règles du pragmatisme sont prépondérantes à cet égard. Inutile d’envoyer un message au client à chaque fois qu’un nouveau cookie est déposé sur son ordinateur. A chacun de définir la bonne manière d’obtenir le consentement du consommateur sans pour autant le sur-solliciter.

Un autre domaine dans lequel d’énormes progrès restent à faire est celui de la maîtrise des données. Nous sommes actuellement dans un système totalement déséquilibré où les organisations qui collectent et exploitent les données sur un client sont les seules à avoir cette vision. Le client ne sait pas ce qu’on sait sur lui et n’a à aucun moment la possibilité de s’approprier ces données et d’en faire quelque chose. Il ne peut pas décider ce qui est bon pour lui, c’est l’organisation qui fait ce choix pour lui. Certes, quelques initiatives en ce sens naissent çà et là mais cela représente encore une très faible minorité. A l’instar du projet MyData développé par le gouvernement britannique en 2011, un projet MesInfos porté par la FING a vu le jour récemment en France. Gageons que ce type d’initiative permettra de porter haut et fort le message suivant porté notamment par la FING : « si vous savez quelque chose sur moi, je dois posséder la même information et pouvoir l’exploiter ».

Engagement n°3 : Valeur partagée

La plupart des marques partent encore du principe que tous les consommateurs vont apprécier de recevoir un bandeau publicitaire personnalisé qui propose une offre en lien avec les derniers sites visités ou les produits mis dans un panier mais finalement abandonnés. Les marques pensent également que si les prospects ou clients ne cliquent pas c’est parce qu’ils sont tout simplement indifférents. Or, certains consommateurs détestent ces pratiques qui finissent alors par engendrer une détérioration de l’image de marque qui n’est le plus souvent ni évaluée ni prise en compte. Se contenter alors de mesurer le taux de clic ou de transformation de la campagne à court terme sans s’intéresser aux raisons pour lesquelles ces individus n’ont pas cliqué et aux conséquences potentielles à long terme est plutôt contre-productif. Cette vision courtermiste de la performance se trouve en effet assez à l’opposé des logiques CRM qu’elles essayent de mettre en œuvre. D’autant que le raisonnement du consommateur est loin d’être linéaire. La valeur attendue par le consommateur en échange de la collecte et de l’usage de ses données est variable d’un contexte à l’autre, d’une marque à l’autre et surtout d’un individu à l’autre. Pour la marque, il est important de trouver rapidement un moyen d’identifier l’appétence de chaque client à être sollicité par la marque et le type de valeur attendue en échange et de s’y adapter au cas par cas en segmentant son fichier client sur la base de ces deux critères. Il est important de noter que les consommateurs raisonnent le plus souvent en valeur relative et non en valeur absolue. Non seulement ils comparent ce qu’ils donnent à ce qu’ils reçoivent mais ils sont aussi de plus en plus enclins à comparer ce qu’ils gagnent et ce que la marque gagne. L’équité doit donc être de mise. Enfin, n’oublions pas non plus qu’il existe d’autres moyens de valoriser un client que de lui envoyer une offre ou publicité personnalisée. Certains veulent plus de service(s), d’autres veulent se sentir davantage privilégiés.

Engagement n°4 : Respect du client et des promesses

Rien de pire pour une marque que de ne pas respecter ses engagements vis-à-vis du client. Le respect des promesses est donc plus qu’indispensable. Mieux vaut d’ailleurs ne faire aucune promesse et offrir une expérience inoubliable à un client que l’inverse : promettre une expérience inoubliable et proposer finalement quelque chose de très banal. En matière d’usage de la donnée, cette exigence est encore plus forte. Si vous avez demandé au client son autorisation d’utiliser ses données et qu’il vous l’a refusée, n’essayez surtout pas de passer outre. Le principe majeur à respecter repose sur une utilisation raisonnée et raisonnable de la donnée. Surtout, ne jamais aller plus loin que ce qu’un consommateur lambda serait prêt à accepter. Au-delà du respect des promesses il convient aussi, et peut-être surtout, de respecter chaque client, et notamment ses choix et son individualité et de ne pas considérer que tant qu’il ne dit rien on peut y aller. Dans ce domaine la prudence est de mise. Mieux vaut y aller à petits pas et instaurer d’abord la confiance plutôt que demander dès la première visite l’ensemble du pedigree du consommateur pour mieux le cibler par la suite. La confiance se gagne très lentement … et se perd très vite. D’où l’importance de s’assurer que le consommateur comprend bien la logique qu’il l’entoure et qu’il est en capacité de donner son consentement de manière réellement libre et éclairée. Dans ce domaine, mieux vaut trop d’information que pas assez, sous réserve bien sûr de ne pas chercher à noyer le poisson. En un mot : dites ce que vous faites et faite ce que vous dites.

Le respect de la vie privée reste un des enjeux majeurs de notre décennie. L’enjeu principal pour les acteurs du digital, les marques comme les sociétés de conseil ou d’études est de créer une relation de confiance avec les consommateurs et d’utiliser les Big Data pour développer de nouveaux services et partager la valeur ainsi créée avec l’ensemble des parties prenantes y compris avec les clients eux-mêmes. Ce n’est qu’à ces conditions que le Big Data dégagera tout son utilité économique mais aussi sociale. Sous réserve donc de respecter les 4 engagements énoncés ci-dessus, Big Data et protection des données personnelles ne seraient donc pas si inconciliables qu’on voudrait nous le faire croire.