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Expérience client : Back to basics, please ?

Expérience client : basics

« L’Expérience client avec un grand E ! c’est le leitmotiv de toutes les entreprises. Quelles soient micro entreprises ou multinationales, il ne se passe pas un jour sans que l’on parle de la relation que l’on souhaite construire avec le consommateur : il faut lui faire vivre une expérience unique. Ainsi les organisations se mettent en ordre de marche et déploient une énergie folle pour atteindre cet objectif : utilisation d’outils virtuels, restructuration des services ou mise en place de nouveaux process etc. Pourtant, malgré tous ces efforts déployés, le client n’est pas toujours satisfait. L’équation entreprise-client semble être difficile à résoudre et la situation paraît assez paradoxale de part et d’autre. Quelle solution pourrait être proposée ? Faut-il revenir à des stratégies plus basiques ? Des règles simples et du bon sens ?

1- L’expérience client : un véritable challenge pour les entreprises

Rares sont les marques aujourd’hui qui ne cherchent pas à proposer à leur client une expérience unique.

Mais comment peut-on définir cette expérience unique ? Le concept de l’expérience puise ses racines dans l’article sur l’économie de l’expérience par Pine et Gilmore en 1999. En marketing, l’expérience de consommation est devenue un axe de différentiation pour les entreprises et le marketer s’est transformé en véritable « architecte de la relation client ». Paradigme apprécié et même attendu par les consommateurs car les produits et les services seuls ne suffisent plus, les clients souhaitent vivre différemment leur consommation. Une expérience se définit comme la relation à la marque que l’individu va avoir avant, pendant et après l’achat. A chacune de ces étapes, les marques cherchent à nouer une relation privilégiée avec leurs clients en réveillant leurs émotions, en proposant du sens et des symboles en lien avec les valeurs de l’entreprise.

Le 4 Casino illustre bien cette définition. Casino a lancé fin 2018 un supermarché près des Champs Élysées ouvert 24H/24, 7j/7. C’est un concept hybride, mêlant nouvelles technologies et services clients pour vivre une expérience unique. Dans ce concept store, les dernières innovations digitales vont simplifier la vie du client, il peut y faire ses courses grâce aux bornes interactives, aux caisses en libre-service ou via l’application Casino Max. Marché bio, épicerie fine, cave à vins avec e-sommelier, chocolats, des produits de tous les jours, et aussi un comptoir pour déguster sur place. Casino a voulu offrir à ses clients « un véritable lieu de vie mêlant authenticité, modernité, produits de qualité et technologie ».

Si la priorité de l’entreprise aujourd’hui est bien de faire vivre une expérience unique à son client, le challenge reste la mise en place de sa stratégie dans un univers multi-canal qui a fait évoluer la relation client vers plus de complexité.

L’environnement digital dans lequel nous vivons a multiplié les interactions entre les clients et les organisations. A l’heure des réseaux sociaux, du e-commerce, m-commerce ou encore T-commerce, la relation client a pris un nouveau visage : accélération, multiplication, omniprésence sont le quotidien de cette relation. Confrontés à une offre toujours plus variée provenant d’acteurs très différents, les clients ont donc de nouvelles attentes qui ne semblent pas toujours bien comprises par les organisations.

Points de contact multiples à la fois physiques et digitaux - les messages sont plus complexes. Les clients sont aujourd’hui surinformés et deviennent les maîtres du jeu sur l’échiquier de la consommation. Ils demandent une véritable expérience avant, pendant et après l’achat. Ils sont à la fois très indépendants, et se considèrent comme des experts à qui on donne la parole mais aussi très attentifs à l’attention que la marque leur porte car ils ont besoin de vivre une ou des émotions. Individualiste et acteur de communautés, le client demande à être connu et reconnu à chaque point de contact.

Le client souhaite consommer un produit, un service dans de bonnes conditions (temporelles, spatiales et économiques) et pouvoir communiquer rapidement et efficacement avec l’entreprise à travers tous les canaux disponibles, une omnicanalité performante qui permet au client de ne jamais rompre le fil conversationnel (poser une question sur le site de l’entreprise et aller chercher sa réponse en magasin par exemple sans avoir à tout reprendre depuis le début)

Ce parcours client complètement hybride entre virtuel et réel transforme en profondeur l’expérience du shopping reçue. Collin-Lachaud & al 2016 parlent de « méta-shopping expérience » qui serait constituée d’une multiplicité de micro-expériences successives ou simultanées de natures différentes, virtuelles ou réelles. Ces micro-expériences pourraient conduire à une fragmentation de l’expérience du client entre les canaux réels et virtuels, chacun d’entre eux étant source de multiples stimuli poly-sensoriels, aux formes diverses et au degré de congruence plus ou moins élevé.

Comment l’entreprise peut-elle s’assurer que ces micro-expériences soient réussies, qu’elles soient mémorables et sources de satisfaction ?

2- L’insatisfaction du client : dure réalité pour les entreprises !

La préoccupation des entreprises est donc de satisfaire leurs clients. Selon une étude d’Accenture Strategy - Global Consumer Pulse Research 2017, l’insatisfaction client aurait coûté plus de 102 milliards d’euros aux entreprises en 2017. Malgré tout, 44 % des consommateurs français insatisfaits sont passés à la concurrence.

Leur insatisfaction est principalement due à un manque de personnalisation de l’expérience vécue auquel s’ajoute un manque de confiance sur la protection de leurs données personnelles.

Insatisfaction, satisfaction : de quoi parle-t-on ? Nous pouvons trouver dans la littérature, de nombreuses définitions du concept de satisfaction réunissant à la fois la dimension cognitive et affective : « la satisfaction est un état psychologique consécutif à une expérience de consommation » selon Barbaray ou encore : « L’impression positive ou négative ressentie par un client vis-à-vis d’une expérience d’achat et/ou de consommation. Elle résulte d’une comparaison entre ses attentes à l’égard du produit et sa performance perçue » selon Kotler & al. Bref, quelle que soit la définition retenue, « la satisfaction » représente une réponse positive à une expérience de consommation et peut être considérée comme un état subjectif et propre à chacun.

Ainsi, pour combler son client, il « suffirait de construire » une expérience unique et personnalisée ? Pas si simple ! car l’insatisfaction client « est le fait de situations imprévues qu’il est impossible de « processer » par anticipation », alors que les process mis en place par les organisations sont faits pour gérer des situations prévues » comme le précisent Body et Tallec dans leur livre sur l’expérience client.

C’est ce que révèlent aussi certaines recherches effectuées sur l’omnicanalité comme nous l’avons mentionné ci-dessus (Collin-Lachaud & al 2016). Les clients, entre canal digital et physique, construisent leur « parcours » d’achat eux-mêmes, vivent des micro-expériences et trouvent du plaisir dans « des surprises et des découvertes, mais également dans l’impression de liberté et de contrôle. »

Comment donc s’assurer que ces micro-expériences soient vécues de façon positive et que les clients puissent eux-mêmes naviguer librement entre ces différentes situations, agençant ainsi leurs expériences ? Ils doivent pouvoir échanger avec une organisation qui leur permette de vivre cette expérience et de les laisser libres de personnaliser leur parcours.

Il semble donc pertinent d’utiliser les outils analytiques afin de collecter en temps réel les données personnelles de son client.

Mais cette démarche de personnalisation ne peut se mettre en place qu’en instaurant un climat de confiance. En effet, comme le souligne l’étude d’Accenture Strategy - Global Consumer Pulse Research 2017 : 82% des consommateurs français estiment ne pas pouvoir faire confiance à une entreprise pour protéger leurs données personnelles. Cette même proportion manifeste son intérêt pour que les entreprises protègent leurs données personnelles. Un paradoxe dans lequel sont plongées les organisations, alors que 50 % de ces mêmes individus sont à la recherche d’une attention spécifique.

Face à cette contradiction, comment les entreprises peuvent-elles satisfaire pleinement leurs clients en étant à leur écoute pour leur proposer une expérience sur-mesure, tout en les rassurant sur l’utilisation de leurs données ?

Comment relever le challenge de l’insatisfaction ?

Pour satisfaire le client ou plutôt ne pas « l’insatisfaire » il semble que les organisations doivent pouvoir aborder leur relation de façon agile et adopter une posture ouverte et participative afin d’inscrire leur démarche dans une logique de co-construction. Cette démarche « customer centric » implique d’énormes mutations tant en termes de business model - adoption d’une architecture souple, de modes de fonctionnements réactifs que de culture - passage à la culture de la donnée et surtout la capacité de comprendre le cheminement du client et son approche de l’acte d’achat. Ainsi, elle pourra préserver les effets de surprise et même les difficultés auxquelles le consommateur fait face pour finalement arriver à son but par un cheminement qui lui est propre.

L’expérience client s’inscrira ainsi, dans une démarche mixte où l’univers virtuel se conjugue avec l’univers physique tout en côtoyant le « bons sens », celui de la relation humaine. Ce n’est pas un simple « back to basics » ! mais une nouvelle façon de combiner la technologie et les concepts simples de la relation client.

La personnalisation : entrer dans une dynamique organisationnelle en s’appuyant sur la technologie :

L’étude faite par PWC en 2019 f-collard« Quelles tendances et quelles priorités pour améliorer la satisfaction client ? » apporte quelques pistes sur les leviers les plus importants sur lesquels l’entreprise investit dans le but d’une plus grande personnalisation de l’offre. En voici quelques-uns, qui répondent à la problématique de la personnalisation. Pour 74% des personnes interrogées l’amélioration de la qualité des interactions est un enjeu majeur. Pour y parvenir 70% ont conscience qu’il est indispensable d’avoir une vision à 360° de son client (ce qui implique de rassembler toutes les données clients d’origines différentes) et de personnaliser au maximum cette interaction de façon homogène quel que soit le canal.

Le cabinet ADONE CONSEIL explique également pour les marques de luxe : « Les différentes stratégies s’appliquant à la « personnalisation » comme mode de consommation englobent plusieurs scénarios avec différents degrés de complexité ». En effet, on peut proposer un produit standard avec une personnalisation simple : rajout d’initiales par exemple ou bien permettre aux clients une co-création de produit, on parle de personnalisation collaborative pour laquelle la marque fait un véritable sur-mesure. Dans ce cas, la supply chain de l’entreprise doit être revue. Il faut modifier la stratégie de l’entreprise, sa culture interne et développer de nouvelles compétences.

Ainsi, pour proposer une offre unique de produits et de services à leurs clients, les marques doivent rester agiles et savoir se remettre en question continuellement. Cela constitue souvent un défi supplémentaire, géré différemment en fonction des organisations et de leur portefeuille de marques.

Cette tendance est également confirmée par l’étude d’Ecoconsultantcy, faite en 2019 sur les tendances digitales, pour qui 37% des entreprises interrogées déclarent que la diffusion en temps réel d’expériences personnalisées est très prometteuse pour les 3 années à venir.

Une relation humaine revisitée : la pierre angulaire de la relation client :

Pour fluidifier la conversation avec son client, l’entreprise peut miser sur le chat ou la messagerie instantanée piloté par un agent. Autre solution, la conversation instantanée se fait par un chat conçu grâce à l’intelligence artificielle qui peut apporter des réponses à des problèmes simples. L’intervention humaine prend alors le relai dans des situations plus complexes. Ce procédé est efficace et offre au client une expérience fluide et homogène en prenant garde de ne pas rompre le fil conversationnel. Le rôle de l’humain se joue également en interne, il est nécessaire de développer l’expérience collaborateur pour une expérience client réussie. En effet, impliquer et sensibiliser les collaborateurs aura un impact constructif dans la relation client selon Frimousse & al 2019. L’étude de PWC, le confirme, l’humain reste une priorité !

Pour illustrer l’importance de la relation humaine, de la personnalisation et de l’utilisation de la mixité des canaux dans la relation client, voici le cas de Longchamp :

Longchamp propose de maintenir le fil conversationnel avec son client, en se focalisant sur le parcours de son client et en se recentrant sur son ADN de marque : l’humain et la proximité. Sur son site, la marque propose un chat délocalisé qui permet au client de rentrer en contact avec un vendeur connecté dans la boutique la plus proche. Le client a alors le choix, de continuer son achat en ligne ou, s’il préfère, de se rendre en boutique.

Nous l’avons compris, la satisfaction client est fondamentale, sa réussite passe par une stratégie omnicanale porteuse de sens pour les clients et pour les collaborateurs de l’entreprise, le tout dans un climat de confiance. Personnalisée et sécurisée, c’est par une construction collaborative empreinte de technologie que l’expérience client sera un succès.