De l’intérêt des études multi phase

De l’intérêt des études multi phase

Interview

Houcine Akrout, Professeur-Chercheur Marketing à l’INSEEC 

La relation client est devenue progressivement le paradigme dominant de ce début du XXIème siècle et s’oppose au marketing transactionnel du siècle dernier pourtant motivé par la célèbre formule « Le client roi ». Les relations d’affaires en B2B, contexte d’émergence du marketing relationnel, donnent des éléments de réponses pertinents quant à l’importance de la dimension temporelle de l’échange et confère une perspective nouvelle à la recherche. Houcine Akrout a expérimenté l’étude multi phase à plusieurs reprises dans le cadre de ses travaux portant sur la confiance et la qualité relationnelle dans la relation client-fournisseur.

Qu’est-ce qu’une étude multi phase ?

Ce type de méthodologie repose sur le concept de cycle relationnel exposé par Dwyer, Schurr et Oh (1987) qui définit la relation nouée entre client et fournisseur en 5 étapes clefs dont chacune correspond à des caractéristiques spécifiques :

- Phase 1 de prise de conscience où existe un désir d’identifier un partenaire ;
- Phase 2 d’exploration où les partenaires se découvrent et se testent mutuellement dans la perspective d’évaluer les objectifs et les bénéfices de l’un et de l’autre ;
- Phase 3 d’expansion qui se concrétise si et seulement si les deux partenaires commencent à récolter les fruits de leur collaboration. Cette phase est marquée par une satisfaction et une confiance mutuelle ;
- Phase 4 de maintien où les deux partenaires sont convaincus des avantages de la collaboration et des comportements de l’autre partie. La relation qui se caractérise par une orientation sur le long terme et la cohésion ;
- Phase 5 de résiliation qui marque la fin d’une relation.

Ces 5 phases peuvent être le point de départ d’une étude multi phase et sous-entendent d’être connues par le répondant à qui revient le devoir de se situer. Le choix d’une phase détermine ensuite le contenu de l’enquête qualitative et/ou quantitative soumise au répondant qui varie bien évidemment selon la relation que ce dernier entretient avec un fournisseur donné. Il s’agit au final de collecter des données à un moment identique auprès de plusieurs groupes de répondants se situant à des phases différentes de la relation.

Pourquoi avoir recours à cette méthodologie ?

La méthode multi phase ou quasi longitudinale surmonte les obstacles rencontrés par d’autres méthodologies de recherches (Anderson, 1995). L’étude longitudinale par exemple requiert un certain investissement en temps de la part de l’ensemble des parties prenantes : une participation qui peut s’étendre jusqu’à 5 ans pour une étude en marketing B2B. La méthode statique ou coupe instantanée ne rend pas compte quant à elle de la dynamique relationnelle entre consommateur et marque (B2C) ou entre acheteur et vendeur (B2B). La logique causale est ainsi perturbée et introduit une confusion qui peut remettre en question la véracité des résultats obtenus.

Quelles sont les précautions à prendre ?

Trois biais existent dans l’étude multi phase. Le premier est de parvenir à situer la relation avec un fournisseur dans le cycle relationnel énoncé précédemment. Si une erreur d’appréciation est commise alors l’étude perd de sa teneur. Deux études multi phase menées dans le cadre de mes recherches ont permis d’identifier les construits comportementaux spécifiques à chaque phase. Une enquête rétrospective a par la suite aidé à mettre en lumière l’évolution de chaque construit phase par phase. L’enquête a été administrée à 616 participants dans le but d’obtenir des résultats convenables au regard de la taille de l’échantillon. Les 616 répondants sont répartis par groupe pour ensuite être placés à une phase clef du cycle relationnel. Le second biais méthodologique réside dans la nécessité de posséder une homogénéité des profils de répondants-entreprises dans ces clusters créés. Le test de Kruskal-Wallis permet de vérifier cette condition. Enfin, un dernier biais survient dans le cas d’un fournisseur qui vend plusieurs produits en B2B ou d’un annonceur qui possède plusieurs marques en B2C. La relation avec l’acheteur ou le consommateur varie bien entendu selon le produit ou la marque concernée. Il advient par conséquent de distinguer chacune de ces relations par catégorie de produits dans le cadre de l’étude.

Quel a été l’apport dans vos recherches axées sur la confiance dans une relation client/fournisseur ?

L’outil a permis de dévoiler un modèle comportemental spécifique à chaque phase du cycle et révéler une dynamique de la confiance fondée sur la forme plutôt que sur le degré d’intensité (fort/faible). En effet la confiance revêt différentes formes selon la nature de la relation et donc la phase dans laquelle se situe les deux parties : calculatoire en phase d’exploration, cognitive en phase d’expansion et affective en phase de maintien. Cet apport est pertinent pour une entreprise qui cherche à déployer de manière précise et efficace une stratégie de marketing relationnel.