Data-Politique, la tentation de la big manip !

Le temps et l’efficience

Pour chaque candidat(e) à une élection présidentielle en France, prendre part à la grande joute démocratique n’est pas une sinécure, cela nécessite par delà un certain nombre de signatures en forme d’adoubement, des moyens financiers plafonnés (a priori) mais pour le moins conséquents, moyens qui permettront d’avoir prétention à jouer la course en tête. Une fois sur la ligne de départ, la problématique de chacun des candidat(e)s lors de ces élections est de rallier un maximum d’électeurs et d’électrices à sa cause afin, pour les uns d’accéder au second tour, et pour tous, quelque soit leur devenir, d’avoir un poids dans le jeu politique. Comme lors de nombreuses autres élections par ailleurs, un(e) candidat(e) se doit donc de convaincre les incertains, à savoir ceux et celles qui ne votent pas :

- Les redoutés et redoutables abstentionnistes pour bon nombre d’entre-eux saturés de balivernes,
- Ceux et celles qui hésitent encore, il ne faudrait pas que ces derniers tombent malencontreusement du mauvais côté de la force, c’est-à-dire dans l’escarcelle d’un(e) concurrent(e).

Un(e) candidat(e), et qui plus est un(e) candidat à la plus haute marche du podium de la république, ainsi que ses équipes de campagnes, savent depuis belle lurette, que tenter de convaincre des non-croyants, du moins lors du premier tour, c’est une perte de temps et donc d’argent et d’énergie, aussi s’agit-il par-delà la mobilisation des troupes, via les réseaux sociaux, pour ce qui concerne Internet, de convertir ce qui sont convertissable et certainement pas dépenser en vain temps, argent et énergie.

Pour revenir, sur des « innovations » et « surprises » concoctées, par les équipes de campagne des écuries respectives de l’année 2017, certes, je l’admets, l’hologramme aura été bien sympathique. Avoir son hologramme, c’est établi, ça fait le buzz, et ça vous fait passer pour le seigneur des anneaux de la technologie, cela peut servir à affirmer un positionnement high-tech, même si cela ne garantit naturellement nullement la maîtrise et la connaissance des technologies avancées par le candidat, mais bon, c’est hors sujet, toujours est-il que cela fait parler et enthousiasme les foules…. Pour le reste, en terme d’efficience pour la conversion, la démultiplication artificielle n’est pas, je vous l’assure, un levier prometteur, hors peut être, le jour ou l’hologramme, s’invitera dans votre salon pour deviser de votre point de vue de l’avenir de la Nation.

Nous avons indéniablement en 2017 dépassé le stade de l’effet de manche, quant à l’usage d’Internet, il n’en est plus aux simples usages des mails et des réseaux sociaux. Face aux Hologrammes les datas sont rentrée en action de façon certes moins visible, mais pourtant bien plus spectaculaire.

L’approche du parti « La République En Marche » très orientée Data a certainement été beaucoup plus efficace pour répondre à la problématique énoncée : « faire changer d’avis les indécis ». Un vaste programme, aurait dit Charles de Gaulle, mais, ça, c’était avant les datas et le potentiel de connaissance pointue de l’électeur et de l’électrice.

Des datas, des électeurs et des électrices

Si l’on s’en réfère à GARDNET et GREEN, ce que tout candidat et leurs équipes de campagne savent parfaitement, c’est que le porte à porte est en mesure de convertir un électeur sur 14, il constitue l’un des leviers de conversion les plus puissants, le changement d’avis d’un électeur chute à un sur 38 lorsque la tentative se fait par téléphone et s’effondre littéralement à un sur 100 000 lorsque le vecteur de communication utilisé est le mail… Durant cette campagne présidentielle 2017, il semblerait que l’exploitation pointue des datas ait porté ses fruits.

Lorsqu’il s’agit de rallier à sa cause de nouveaux électeurs, l’idéal est dans un temps restreint d’optimiser le porte à porte, c’est là que les datas peuvent venir à la rescousse… dans ce qui s’apparente à une course contre la montre de la conversion avec les biais que la connaissance poussée de l’électeur peut induire…L’approche scientifique de la start-up Liegey Muller et Pons (LMP) au service de « La République En Marche », aura été de servir une stratégie électorale exclusivement fondée sur les données des citoyens. Il s’agissait, d’identifier « sur quels quartiers du pays se concentrer et cibler les indécis », leur solution logicielle étant en mesure de caractériser les quartiers de l’ensemble du territoire en termes de critères électoraux et sociologiques. Une approche permettant de faire usage du levier de conversion d’électeur le plus puissant identifié par GREEN et GERBER. Il semblerait, d’après les dernières nouvelles de France, que cette nouvelle pratique politique, que je nommerais la Data-Politique et cette stratégie électorale se soient avérées payantes.

La tentation de la côte de bœuf

Si vous vous invitez par surprise chez un couple de végétariens qui ne vous connaît pas vraiment, il serait assez cavalier, vous en conviendrez, de leur offrir (à seule fin de les convaincre de vous accueillir à leur table) trois belles côtes de boeuf saignantes, vous pourriez même passer pour un plaisantin au goût douteux ! Par contre vous pourriez juger tout à fait opportun de leur raconter de belles salades, ne songeant qu’à optimiser vos chances… Dès lors que vous considérez que la fin justifie les moyens la dérive de l’usage fait des datas peut s’avérer tentante, elle peut alors se traduire par l’adaptation parfaite du discours disposant en amont d’une connaissance parfaite des attentes de l’interlocuteur, quitte à dissimuler, à mentir, à se parjurer, dans le seul but de convertir l’électeur. Nous pouvons donc redouter dans l’usage qui est fait des datas (appelées à être de plus en plus affinées) des pratiques qui dérapent et qui tutoieraient alors la manipulation d’opinion publique !

Mais je vois tout en noir, c’est une sorte de réflexe, dites-vous que c’est pour dégager l’horizon et nous assurer d’un beau ciel bleu. Par-delà une moralisation de la vie publique qui est annoncée par le nouveau gouvernement, l’usage des datas des électeurs, demande une grande vigilance, et un encadrement, il serait déplorable d’aboutir, in fine, à une surenchère de discours à la carte, sans plus de cohérence globale si ce n’est des mensonges opportunistes…

Mais, j’alarme pour alarmer ! Nous pouvons dormir sur nos deux oreilles, dans cette nouvelle ère de Data-Politique qui s’ouvre, la moralisation de la vie publique engagée va forcément faire, dans un même mouvement virginal, évoluer les pratiques et les encadrer avec rigueur, et ce, afin de nous protéger durablement de toute tentation de Big Manip ! Du moins comme tout un chacun c’est que nous pouvons souhaiter de mieux pour l’avenir de notre démocratie. Alors oui j’alarme pour alarmer, parce qu’il s’agit toutefois de rester extrêmement vigilant.