Créer des études Bonsaï      

Le secteur des études marketing atteint désormais un point critique pour tout ce qui concerne le design de questionnaire.
Nous savons tous que nos enquêtes doivent se transformer complètement pour s’adapter à ceux de plus en plus nombreux qui veulent répondre de leur smartphone ou de leur tablette. Les interactions avec ces objets intelligents sont plus rapides et nos enquêtes se retrouvent en concurrence avec une masse d’activités plus palpitantes. Pour survivre dans cet espace, les questionnaires doivent être plus ramassés, plus ergonomiques, et proposer des expériences plus gratifiantes. Nous croyons fermement qu’une nouvelle philosophie, un nouveau langage de design doivent rapidement émerger pour répondre à ces enjeux. Le point de départ de ce processus est de travailler sur la création d’études plus compactes.

Eliminer la mauvaise graisse

De mon expérience, un questionnaire contient en moyenne 30% de questions inutiles, dont les réponses sont incluses dans d’autres questions, ou ne seront jamais exploitées. De plus, beaucoup des questions d’une enquête sont répondues par beaucoup plus d’interviewés qu’il ne serait réellement nécessaire.

Pour s’y attaquer, je recommande l’adoption d’une démarche beaucoup plus itérative, en intégrant une phase pilote dans le processus de design de questionnaire. Au lieu de concevoir et réaliser l’enquête en une fois, faites un draft des modules sur lesquels vous avez des doutes et lancez un pilote. Il vous apportera les données dont vous avez besoin pour amincir votre questionnaire, identifier les redondances entre questions, et savoir de combien de réponses vous avez réellement besoin à chaque question.

Il est étonnant de voir quelle clarification apportent les interviews pilotes. Tout d’un coup les réponses à une question qui semblait importante deviennent d’une banale évidence à l’examen des données et vous pouvez la supprimer. Examinez ainsi attentivement les réponses à chaque question et demandez-vous si elles vont vous apprendre réellement quelque chose, et si les données en seront utilisées dans le rapport ? Si non, coupez !

Pour identifier les questions redondantes, je recommande l’application d’un test de corrélation de Pearson aux données du pilote. Comparez chaque question avec toutes les autres, et élaguez sans pitié toute question corrélée à plus de 0,65 avec d’autres. Supprimez également tout item de réponse sélectionné par moins que les limites de l’erreur statistique, qui pour une enquête auprès de 400 personnes est de l’ordre de +/-4%.

A l’inverse, certains items peuvent vous fournir plus de réponses que ce dont vous avez besoin, si bien qu’au lieu de poser des quotas sur la totalité de l’échantillon, vous pouvez les poser au niveau de la question. Il vous suffit de calculer de combien de répondants vous avez besoin à chaque question, de façon simple à partir de l’écart type et en déterminant pour chaque question votre marge d’erreur acceptable. Grâce à quoi vous vous rendrez sans doute compte que certaines questions n’ont besoin que d’une fraction de l’échantillon pour atteindre la signification statistique, et qu’elles pourraient ainsi n’être vues aléatoirement que par 1 groupe de répondants sur n, ce qui permettrait de raccourcir la durée d’interview. Le potentiel d’économies réalisables grâce à cette approche pourrait bien vous surprendre.

Une autre technique activement explorée par des chercheurs qui s’efforcent de compacter les études consiste à couper le questionnaire en plusieurs morceaux et à les proposer à différents groupes de répondants. Les interviewés peuvent commencer à répondre et choisir jusqu’où ils souhaitent aller. Pour que ce soit efficace, il faut arriver à déterminer quels modules de l’étude ont besoin d’être réunis et quels autres on peut séparer.

Ré-écrire pour être plus productif

Après avoir réduit statistiquement votre étude à l’essentiel, l’étape suivante est de ré-écrire le questionnaire pour le rendre plus efficace. Il existe beaucoup de techniques et il ne s’agit pas seulement d’alléger, il faut aussi le rendre plus intéressant pour ceux que vous allez interviewer. Voici quelques conseils.

Je vous propose de pré-compacter les questions chaque fois que ce sera possible. Au lieu de demander aux répondants de noter 15 attributs différents, on peut leur demander de choisir les 5 plus importants et de noter seulement ceux-là, ou bien simplement de sélectionner leur top 5, ou encore d’utiliser une approche max diff consistant à présenter un choix restreint au sein duquel on leur fait choisir le plus et le moins important. Toutes ces techniques nécessitent moins d’échantillon pour une même stabilité de réponse (moins de répondants par question = un questionnaire plus court par répondant).

Un éventuel degré élevé de répétition peut être réduit en combinant plusieurs questions entre elles et en créant des tableaux de bord de réponses. Il faut le faire avec soin et l’iconographie joue un rôle capital, elle permet de ne pas surcharger la mémoire active des interviewés (les icônes servant de stimuli visuels).

Je suggère aussi de réfléchir à des questions plus intelligentes et plus gratifiantes : le temps file quand on s’amuse ! Nous aimons réfléchir et nous aimons jouer, et tout ce qui peut faire de l’enquête une expérience plus pensée et plus distrayante va aider à en réduire la “durée perçue”, facteur au moins aussi important que la durée réelle. La façon d’y parvenir est un sujet majeur, mais voici un exemple : au lieu de leur faire noter une annonce, on demande aux participants de parier de l’argent virtuel sur la réponse des autres, ce qui se traduit par une augmentation de leur concentration et du plaisir qu’ils prennent, et permet de réduire la taille de l’échantillon nécessaire pour obtenir un résultat statistiquement fiable.

L’ergonomie du design

est son ergonomie. Pour avoir la certitude que votre étude fonctionnera efficacement sur mobile, il va falloir vous concentrer sur l’optimisation spatiale des questions. Faites que chaque pixel compte, minimisez les blancs, essayez de condenser chaque question pour qu’elle tienne dans la “zone de vision sacrée” afin de garantir une expérience de répondant identique quel que soit le support – mobile, tablette ou PC. Evitez par-dessus tout la nécessité de scroller, raccourcissez chaque liste autant que vous le pouvez pour être certain qu’elle tienne sur une page. Utilisez l’auto-next pour éviter aux répondants de faire défiler ver le bas afin de trouver le bouton suivant. Optimisez la formulation de chaque question – rendez-la percutante et donnez-vous comme règle de ne jamais dépasser la longueur d’un tweet.

Il ne suffit pas de se dire que 9 questions sur 10 fonctionneront sur mobile, il est impératif que ce soit du 10 sur 10, ce qui implique un niveau supplémentaire d’assurance qualité et de tester votre étude au minimum sur iPhone 4 & 5 et sur Android avec écran 800×400. Si ça marche sur ces 3 environnements, vous devriez être tranquille.

Dernier conseil si vous voulez devenir un maître du design d’études Bonsaï – apprenez à dire NON ! Mettre au défi vos clients de réduire leurs questionnaires peut se révéler délicat, et vous allez avoir besoin d’apprendre à dire “désolé, on ne peut pas ajouter cette question”…