Comment transformer la donnée textuelle en insight marketing ?

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La révolution digitale et les nouveaux usages sociaux qu’elle induit génèrent, de manière totalement inédite, une abondance de données sur les consommateurs, souvent produites par les consommateurs eux-mêmes : narration d’expériences heureuses ou malheureuses, problèmes à résoudre, échange de conseils, avis sur des marques ou des produits… Tous ces témoignages en mots, parfois aussi en image ou en vidéo constituent un agglomérat de données non structurées, fragmentées, partiales ; données dont le volume et l’authenticité fascinent le marketeur, mais qui sont inexploitables en l’état. Comment valoriser cette matière première prometteuse et la transformer en insights pertinents et éclairants pour la prise de décision marketing et business ?

Nous proposons dans cet article de partager l’approche que nous mettons en œuvre chez nos clients : générer des insights à partir de données brutes non structurées. Il s’agit d’une méthode agile, rapide et peu coûteuse à mettre en œuvre, activable en réponse à des problématiques marketing bien identifiées. Cette méthode peut venir compléter et enrichir des dispositifs plus complexes de social media intelligence.

DE LA DONNÉE À L’INSIGHT : LES ÉTAPES CLÉ DE LA TRANSFORMATION

Préliminaire mais indispensable :
cadrer le sujet

Identifier des insights à partir de données textuelles issues du web, c’est un peu comme s’attaquer à la réalisation d’un gigantesque puzzle sans en avoir le modèle. Pour se lancer dans cette mission a priori impossible, il faut savoir si le puzzle va représenter plutôt un paysage, une ville ou des personnages ; et donc démarrer par un cadrage de la problématique : quel est l’enjeu pour la marque ? quel est le problème business à résoudre ?

Cette étape permet notamment de définir le degré d’ouverture de l’analyse : si par exemple on cherche des relais de croissance pour une marque de stylos, on peut limiter le champ d’analyse aux outils d’écriture classiques (crayons, feutres…) ou aller vers les outils numériques permettant d’écrire (traitement de texte…) ou de remplacer l’écriture (mémos vocaux…). Plus on ouvre, et plus on va aller vers des insights ancrés dans les motivations profondes des consommateurs (« pourquoi on écrit ? »), et pas simplement vers des insights du type « problème à résoudre » liés à une catégorie (« ces stylos ne sont pas pratiques parce que… »).

Quelles données utiliser ?

Les données utilisables comme matière première pour générer des insights sont des verbatim de consommateurs qui peuvent provenir de sources variées. L’exploration du web informel et les méthodes du type netnographie sont les plus évidentes. Elles peuvent être complétées par des données issues du service consommateur de l’entreprise, ou des extraits d’études qualitatives réalisées par le passé, au cours desquels les consommateurs interrogés s’expriment souvent bien au-delà de la problématique de l’étude.

L’important est de reprendre fidèlement les propos des consommateurs, au mot près (ou de disposer d’une traduction la plus juste possible si on travaille sur plusieurs pays). Le principe est de compiler quelques centaines de verbatim ayant un lien, même lointain, avec le sujet tel qu’il a été cadré. A ce stade de constitution du set de données, on n’effectue pas de sélection particulière car on ne peut pas savoir a priori quels verbatim seront signifiants. Le volume de données est moins important que la variété des sources et des profils de consommateurs utilisés.

…Et l’insight apparaît !

La génération des insights se fait alors de manière assez spontanée, tout comme on range les pièces du puzzle par couleurs pour finir par voir apparaître des motifs, puis un paysage complet. On regroupe et on classifie les éléments qui se ressemblent, qui révèlent un point de vue commun, puis on les agence pour construire la vision complète. Cette vision constitue une représentation de l’usage auquel on s’intéresse et se structure en différents insights.

Générer des insights directement à partir des données brutes, sans ne les avoir évaluées ni hiérarchisées au préalable, est une caractéristique particulièrement intéressante de la méthode. Cette façon spontanée d’agencer les données est en effet particulièrement fructueuse car elle met de côté les a priori du marketeur pour libérer son intuition et sa capacité d’empathie à l’égard du consommateur. Ces qualités que le marketeur est de plus en plus supposé exercer, sont dans ce cadre sollicitées pour être pleinement associées à la réflexion stratégique : c’est un excellent moyen de renouveler sa vision et d’apporter de la créativité à la résolution des problèmes.

DES INSIGHTS ANCRÉS DANS LA RÉALITÉ DES CONSOMMATEURS

La critique qui pourrait être adressée à cette méthode, pour un marketeur habitué à la rigueur méthodologique des études conventionnelles, vient du caractère empirique, voire aléatoire, des données qui sont utilisées comme matière première. Ce débat peut être dépassé si on revient à l’objectif même de cette méthode, qui est de produire une vision cohérente d’une réalité complexe et mouvante. Comme dans toute démarche de représentation, il y a une infinité de visions possibles, et aucune ne peut avoir la prétention d’être vraie, ou plus vraie que les autres ; elles sont simplement des outils pour mettre sur la voie de la compréhension. Si on fait le parallèle avec une mosaïque, chaque tesselle n’a pas de signification en soi (tout comme chaque donnée prise individuellement n’a aucune valeur) ; mais l’arrangement des petits morceaux de verre crée un motif signifiant, qui offre une certaine représentation du réel. Deux mosaïques différentes ne se comparent pas de manière rationnelle, même si elles représentent le même sujet ; elles résonnent avec des sensibilités différentes. Celui qui crée la représentation, ou la mosaïque, s’impose de donner de la cohérence à son motif pour le rendre intelligible. Cette exigence de cohérence compense l’aléa initial de la sélection des données – tesselles.

Un insight produit à partir de données textuelles non structurées, si la démarche a été conduite de manière rigoureuse, est donc forcément « vrai », mais il ne va parler ou résonner qu’à un certain nombre de consommateurs. La question qui se pose au marketeur est finalement d’évaluer quel est le potentiel de chaque insight, et à quelle partie de sa cible il correspond. C’est pourquoi nous conseillons de tester les insights avec une méthodologie quantitative, pour mesurer et qualifier un pourcentage d’adhésion à chaque insight et identifier ainsi ceux qui offrent le meilleur potentiel pour le business. Cette méthodologie est simple à mettre en œuvre et l’interprétation des résultats se fait sans ambigüité.

UNE DÉMARCHE ADAPTÉE AUX ENJEUX MARKETING ACTUELS

L’outil idéal pour le marketeur-explorateur

Identifier des insights à partir du web informel est la bonne approche chaque fois que l’on voudrait poser des questions à un consommateur sans connaître à l’avance les réponses possibles, c’est à dire dans toutes les démarches exploratoires : compréhension de nouveaux usages, recherche de nouveaux territoires d’innovation ou de communication pour une marque… Ces problématiques sont de plus en plus souvent un enjeu majeur pour le marketeur confronté à des consommateurs toujours plus complexes et multiples dans un environnement qui évolue constamment.

Un levier agile pour la réflexion stratégique

Cette méthode rend obsolète la distinction historique entre les fonctions d’analyse et celles de réflexion stratégique. Avec un peu d’expérience, il est possible d’organiser au sein de l’entreprise des sessions d’insightment « maison », avec des petits groupes de travail de 2 à 4 personnes, aux profils complémentaires, autonomes de la compilation des données jusqu’à la production de leurs propres insights et conclusions stratégiques. La mise en œuvre est rapide et l’investissement se limite au temps passé. Les données nécessaires sont disponibles sans besoin d’anticipation particulier. L’appropriation des conclusions et leur intégration aux réflexions stratégiques sont optimales puisque le marketeur est impliqué tout au long de ce processus qui donne tout son sens à la notion de consumer intelligence.

Cet article a été co-écrit par: Anne-Laure Frossard (Co-fondatrice de l’agence de conseil en innovation Tagea)