Comment mieux cerner les moments de vérité ?

Moment de vérité

Le parcours client semble être devenu le sujet de prédilection des hommes et femmes de marketing. En la matière, dur de passer à côté de la notion de moment de vérité popularisée par le livre « Moments of Truth » en 1987 (voir à ce sujet notre dossier sur la mesure de l'expérience client, N° T4 2016 Survey-Magazine). Comment bien identifier et mesurer les moments de vérité demeure une question d'actualité chez les professionnels de Marketing & Etudes. Survey-Magazine a interviewé Manuel Lhoir chez Harris Interactive, qui nous donne des premières pistes de réponse.

Survey-Magazine : Parcours client et moments de vérité, comment bien les identifier ?

Manuel Lhoir : Qui dit moments de vérité, dit évidemment expérience clients… et donc mesure du parcours qui y est associé. Chez Harris Interactive, nous sommes convaincus que l'expérience tend aujourd'hui à primer sur le produit ou le service qui est lui-même visé en bout de course : cette expérience consiste en autant d'occasion d'interactions avec la marque. Il s'agit de la capter et l'évaluer dans le détail, et d'ainsi lever le voile sur ces moments de vérité, quelle que soit la temporalité considérée (naissance du besoin, considération, post-achat, etc.). Détecter les moments de vérité passe donc par la conceptualisation, l'évaluation, voire l'optimisation des expériences ou parcours clients, via des approches qui doivent permettre de dépasser le marketing mix traditionnel. Aujourd'hui, l'enjeu pour une marque n'est plus uniquement de convertir ou de fidéliser : les brand missions sont de plus en plus aspirationnelles… rêver, étonner, rassurer, faire vibrer ! Le moment de vérité est donc celui qui se révèlera vecteur essentiel d'une expérience réussie. A nous de l'identifier.

Quels outils ou méthodologie d'étude utilisez-vous pour repérer ces moments clefs de l'expérience client ?

Nous avons développé une approche étude modulable, qui s'articule autour de trois temps distincts. Nous appelons le premier « l'inventaire » : il s'agit d'une remise à plat, voire d'une conceptualisation, du parcours client à date. Une approche généralement qualitative, permettant le retracé du vécu des clients ou consommateurs. Lorsque l'annonceur a déjà initié ce type de démarches en amont, cet inventaire peut se travailler en workshop collaboratif, réunissant les différents stakeholders internes concernés par la problématique.

La deuxième phase – le cœur du protocole – consiste à une quantification et une évaluation de l'expérience client, étape par étape. Généralement, nous interrogeons les clients ou consommateurs en post-expérience : ils nous restituent ainsi leur expérience en déclaratif, via un questionnaire online gamifié, c'est-à-dire tout ce qu'ils ont vécu en cours de parcours, moments d'enchantement et pain points compris. L'outil que nous avons développé garantit la bonne mémorisation et donc restitution de l'expérience. Une mesure qui se doit d'être réalisée le plus à chaud possible bien entendu, toujours dans une optique de fiabilité de la mesure.

C'est à travers ce questionnaire, et notamment le relevé et l'évaluation de l'expérience touchpoints, que nous modélisons l'expérience, et identifions ainsi nos fameux moments de vérité. Au travers de différents KPIs comme le score d'effort ou les émotions – nouvelles composantes indispensables de l'expérience client – notre modélisation permet de mettre le doigt sur les étapes du parcours qui seront à prioriser, car jouant un rôle structurant dans l'expérience globale.

Dans un 3ème temps, nous accompagnons régulièrement nos clients dans la formalisation d'une expérience client optimisée : au-delà des insights collectés, nous co-construisons ensemble les actions qui vont permettre d'aboutir à un moment de vérité optimal. Le Design Thinking est évidemment un outil très puissant pour y arriver.

Quels sont les écueils à éviter ?

Il y en a deux selon moi. Le premier consiste à ne pas se limiter au « déclaratif » du consommateur dès lors que l'on cherche à affiner son expérience digitale ; les limites se font sentir à partir du moment où on souhaite décortiquer très finement ses interactions web ou mobile. Pour contrer cela, nous avons développé une approche propriétaire – le Digital Tracking – qui permet un retracé exhaustif et passif donc du parcours digital, via un tracker installé en multi-devices. Un éclairage précieux qui permet d'identifier d'autres pépites ou moments de vérités, plus difficile à détecter via une approche traditionnelle.

Le deuxième : préciser au mieux le besoin en amont, et ainsi éviter de déployer un protocole d'études trop complexe versus les objectifs poursuivis. Le mode workshop en démarrage de projet est essentiel afin de garantir cette finalité : aboutir à des objectifs clairs et partagés de tous, et ainsi s'assurer du succès du projet, en mode collaboratif.