Dernier numéro de Survey Magazine

La co-création : un irrésistible appel à la foule

Avis d’expert 

Mathieu-Claude Chaboud, Professeur associé en marketing à Burgundy School of Business

RAISONS DE L’ESSOR

CHABOUD Mathieu-Claude_Crédits DR-HD

L’engouement actuel pour le crowdfunding, comme d’ailleurs pour le crowdsourcing, s’explique par plusieurs phénomènes : la difficulté d’accès au financement est toujours forte et l’innovation entrepreneuriale est de plus en plus permise dans nos sociétés sans que les acteurs du financement soient pour autant plus en mesure de prendre les risques que cela suppose. Le crowdfunding permet notamment de mesurer l’acceptabilité de projets ou de produits, ainsi que l’engagement réel des consommateurs futurs sur ces marchés innovants. C’est particulièrement là que l’aspect « crowdsourcing » rejoint le crowdfunding, car les interactions sur les forums ou les réseaux sociaux autour de ces projets permettent aux entrepreneurs d’obtenir des avis, des idées, des orientations pour leur produit ou leur entreprise, auxquels ils n’auraient que très difficilement accès en temps normal, particulièrement dans une phase initiale ou par essence les retours clients sont inexistants. C’est finalement là une excellente opportunité en termes d’étude de marché, celle-ci se faisant naturellement et portant sur le produit ou le prototype en conditions réelles, puisque l’individu participant au financement d’une campagne de crowdfunding va « voter avec son portefeuille » et acquerra souvent le produit avant tout le monde comme contrepartie à sa participation financière. Il n’est en conséquence pas rare de voir des projets entrepreneuriaux proposer des produits s’améliorant au cours de telles campagnes, et des investisseurs institutionnels s’intéresser après coup à ces jeunes pousses et finalement les financer dans des proportions correspondant à leur nouveau statut.

LES LIMITES

Le crowdfunding et le crowdsourcing sont affaire d’obtention d’une participation d’un nombre finalement relativement faible d’individus au final, quelques centaines au plus dans la plupart des cas. Mais pour obtenir cette participation il faudra avoir pu communiquer le projet à un très grand nombre de prospects. Noyés dans la masse des projets proposés au public, chaque projet faisant appel à la ‘foule’ doit à la fois se démarquer et trouver l’accès à ces prospects, non pas par centaines mais au moins par milliers, on estime que des connections préexistantes de 5000 contacts sur les réseaux sociaux sont un préalable important à la réussite dans ce domaine. La question reste de savoir comment contacter, et donc comment identifier, ces prospects dont un nombre réduit finira par s’engager aux côtés du projet. C’est là que la capacité d’utilisation et surtout d’accès au Big Data est primordiale. Reste que les faibles ressources, par définition, de la plupart des acteurs économiques faisant appel au crowdfunding ou désirant bénéficier des ressources de la ‘foule’ d’une manière générale, le crowdsourcing, sont une vraie barrière auxquelles les offres actuelles du domaine du Big Data ne répondent sans doute que très peu. Nous pouvons finalement dire que paradoxalement, l’utilisation comme outil d’étude marketing ou de financement de l’appel à une communauté d’intérêt est limitée elle-même par le grand nombre d’individus, aux caractéristiques parfois très hétérogènes, auquel il faut s’adresser et donc qu’il faut tout d’abord joindre.