Applications Big Data en institut : L’exemple de Stratégir & Ekimetrics

Avant d’aborder le thème du Big Data, pourriez vous présenter vos deux entreprises en quelques mots ?

Luc Milbergue : Stratégir est un institut d’Etudes Marketing indépendant, présent dans les principaux pays européens, aux Etats Unis, en Amérique du Sud, au Moyen Orient et en Asie. Nous sommes spécialisés sur les problématiques de mix produit, de l’innovation au point de vente. Nous avons réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de l’ordre de 15 M€ après une croissance d’environ 10 %.
Jean-Baptiste Bouzige : Ekimetrics est un cabinet de conseil en stratégie spécialisé dans l’utilisation d’outils statistiques de pointe permettant l’optimisation de la stratégie business et data de grandes entreprises françaises et internationales (CAC 40 / Fortune 500). Notre approche novatrice et rigoureuse nous a permis de devenir leader européen du pilotage de la performance et du Big Data. Nous avons actuellement des bureaux à Paris, Londres, New York et Hong Kong, pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 10 M€ avec une croissance d’environ 30%.

Depuis quand travaillez vous ensemble et pour quelles raisons avez-vous initié cette collaboration ?

LM : Environ deux ans. Nous nous sommes rencontrés autour d’un client commun, et nous avons très vite compris que nos domaines d’expertise étaient complémentaires, que les sujets sur lesquels nous travaillons sont connexes voire similaires et qu’une collaboration entre nos deux structures pouvait créer de la valeur pour nos clients.
JBB : En effet, au-delà des demandes purement Big Data drivées par les DSI, les sujets à plus fort potentiel que nous traitons proviennent des directions marketing, car la meilleure façon d’exprimer le potentiel du Big Data est de partir d’une véritable question business.

Vos clients expriment-ils une attente claire par rapport aux offres de ce type ?

LM : Il y a une véritable curiosité et un vrai questionnement sur le Big Data, de la part des directions Etudes et plus globalement des directions Marketing. Qu’est ce que le Big Data exactement ? Comment cela va modifier nos métiers ? Impacter nos pratiques ? Sur ces sujets, il n’y a pas réellement de maturité chez nos interlocuteurs. On est en phase de démarrage, donc il n’ y a pas de demande claire, mais en revanche un très fort intérêt.
JBB : Tous les champs sont à défricher. C’est pourquoi il est intéressant de travailler ensemble, de mener une véritable R&D pour une cross-fertilisation de nos méthodes et voir quels sont les nouveaux potentiels que la synergie entre Etudes et Big Data libère, soit par la capacité accrue d’incorporer de la donnée, de croiser les sources ou encore d’améliorer le caractère prédictif des modélisations.
Notre premier terrain de jeu en terme de R&D commune s’est situé sur l’innovation, et en particulier sur les tests de potentiel.
LM : Le travail que nous avons mené en commun nous a permis d’intégrer dans nos tests de potentiel la compétence spécifique de Ekimetrics en terme de Mix Modelling pour affiner notre modélisation des plans marketing en phase de lancement de produits nouveaux en grande consommation.

Avez-vous un exemple concret de bénéfices-clients sur un dossier que vous avez traité en commun, avec Ekimetrics ?

JBB : Dans le domaine de la relation clients, nous avons développé depuis plusieurs années à Ekimetrics des segmentations comportementales avec un fort impact stratégique du fait de la profondeur de la connaissance client spécifique que nous parvenons à y intégrer.
Ces segmentations son particulièrement opérationnelles, mais comme tout traitement de bases de données, elles ne peuvent prendre en compte que les données qui sont dans la base, même si on traite une dizaine de millions d’individus. Les études sont en mesure de renforcer la pertinence de ces segmentations, en amenant des données exogènes.
LM : Nous pouvons en effet affiner la compréhension des clusters issus de la segmentation comportementale par des données de taux de nourriture (quelle part de choix auprès de nos marques dans la catégorie), quelle image relative de nos produits versus les concurrents, quelles habitudes médias. Et ensuite, avec des méthodes de scoring, ces données quantitatives par type permettent de requalifier toute la base. Cela permet de rendre une segmentation encore plus opérationnelle en trouvant une vraie synergie entre Etudes et Big Data.

Pensez-vous qu’un institut d’études doit forcément s’adosser à un partenaire technologique dès qu’il s’agit d’offres Big Data ?

LM : En fait cette question soulève une problématique classique en terme de choix stratégique : Make or Buy ? Il est clair pour nous que le Big Data va impacter le métier des Etudes, nous ne pouvons pas passer à côté de cette tendance de fond. Nous n’avons pas les moyens de grands groupes, nous avons privilégié un partenariat de longue durée, pour nous appuyer immédiatement sur des compétences établies et diversifiées plutôt qu’essayer d’intégrer des compétences complexes qui ne sont pas cœur de métier pour une société d’études. Cela aurait pu ressembler au tonneau des danaïdes. Notre expérience des joint-ventures pour notre développement international nous a aidé dans cette décision stratégique. Cette solution nous donne également beaucoup plus de flexibilité.
JBB : Tout d’abord nous ne nous définissons pas comme un partenaire technologique, mais beaucoup plus comme un partenaire business dans la mesure où nous avons développé une expertise transversale dans la valorisation de la donnée. Nous avons en effet la particularité de pouvoir répondre à des problématiques business via des briques technologiques. La spécificité du profil de nos consultants, statisticiens-marketeurs nous permet d’être agiles et innovants sur les méthodologies.

La recherche basée sur le Big Data va-t-elle selon vous remplacer tout autre type de recherche marketing ?

LM : Non. A l’évidence, c’est bien de complémentarité dont il est question. Les possibilités associées au Big Data vont rentrer dans la panoplie des méthodologies à disposition des directions d’études des entreprises. Mais toute une partie de l’activité des études porte sur l’évaluation du futur, que ce soit avec les tests de potentiel, les tests de pack, de produits. Ce sont des domaines où le Big Data n’a pas sa place puisqu’on essaie dans ces cas-là d’anticiper les comportements des consommateurs face à des stimuli qui n’existaient pas jusque-là. L’usage du Big Data suppose la connaissance de comportements passés ou actuels. C’est notamment sur ces problématiques que la frontière va se définir.
JBB : La notion Big Data implique de traiter une quantité de données importante, structurées ou non structurées, voire en temps réel. Il est dès lors évident que pour la recherche impliquant une large volumétrie et des problématiques en temps réel, les technologies Big Data sont incontournables. Mais il s’agit plutôt d’un nouveau potentiel d’analyse et de croisement que d’un remplacement de l’existant. Le champ des possibles ouvert par le croisement de toutes les données stratégiques de l’entreprise est énorme et c’est l’agilité dans l’agrégation des compétences qui fera la différence.