Les entreprises doivent entreprendre pour innover !

Les entreprises doivent entreprendre pour innover !

Tous s’accordent à dire que l’innovation est la clé pour rester toujours compétitif. Les entreprises qui ont réussi à internaliser des processus d’innovations permanentes ont des résultats supérieurs à leurs concurrents. Les exemples d’entreprises innovantes tels que Google, Apple, Pernod Ricard ou Décathlon confirment que l’innovation est un vecteur majeur de croissance. La question n’est donc plus s’il faut ou pas innover, mais plutôt comment innover.

En effet, l’innovation devient de plus en plus compliquée, car l’environnement concurrentiel devient plus complexe et difficile à naviguer. La multiplication des nouveaux produits et la confrontation internationale des nouveaux modes de management fait qu’innover avec succès devient encore plus complexe. Pour certaines entreprises, une manière d’y répondre c’est d’investir massivement dans des systèmes experts ou dans l’exploitation intelligente des énormes quantités des données (voir le reportage sur le big data dans ce numéro), qui permettent de créer des solutions nouvelles et innovantes.

En revanche, même si l’utilisation de ces éléments va dans le sens d’une meilleure prise en compte du risque dans le processus d’innovation, aucun système ne sera jamais parfait, et des processus analytiques trop longs peuvent parfois même être contreproductifs, car ils retardent des innovations qui sont finalement faites par des concurrents. Mieux vaut un produit non parfait lancé en version beta qu’un produit parfait toujours dans le bureau des ingénieurs. En bref, il vaut mieux tester des solutions non-optimales et rentrer dans un processus d’amélioration permanente que de rentrer dans un processus de planification et d’identification de la solution idéale qui soit interminable. En gros, il faut tester rapidement les solutions potentielles.

La meilleure manière d’innover, c’est donc de tester !

La solution est donc de créer des organisations qui testent, qui expérimentent constamment avant de lancer les produits. Cela est déjà une pratique dans les entreprises du net qui ont l’habitude de lancer des versions clairement identifiées comme des « Beta » avant d’un lancement complet sur le marché. Au-delà des entreprises du net, certaines organisations utilisent déjà cette approche. Par exemple, un des points forts dans le processus d’innovation de Décathlon est sa capacité de très rapidement créer des prototypes des nouveaux produits et de tester avec des sportifs de haut niveau ou des passionnés du sport en question.

Les exemples de l’utilisation de ces expérimentations dans les entreprises sont multiples. J’ai eu l’occasion d’accompagner un distributeur dans une réorganisation de son système de pricing, qui prenait en compte les effets sur la demande de la modification du prix d’un produit en particulier (ex. une marque nationale) et aussi les effets conjoints sur la demande d’autres produits présents dans cette même catégorie (ex. un produit de la marque du distributeur). Par exemple, le fait de faire une promotion sur du Coca-cola peut certes augmenter les ventes de ce produit, mais peut aussi réduire les ventes du produit vendu sous l’étiquette du distributeur – souvent plus contributeur en marge, ce qui à la fin réduit la contribution globale en masse de marge de l’ensemble de la catégorie « Cola » pour le distributeur. Ce nouveau dispositif prenait en compte ces interactions complexes pour proposer des promotions et des prix vraiment avantageux aux clients, tout en garantissant les résultats pour le distributeur. Avant une implémentation dans l’ensemble des magasins de ce distributeur, nous avons réalisé une expérimentation dans quelques magasins et dans quelques catégories de produit. Cela a permis au distributeur de connaître aussi l’impact sur la perception du client (capacité d’attraction du magasin) ainsi que la contribution totale en marge par catégorie, avec une augmentation de 1,73% en termes de masse de marge pour le distributeur, ce qui n’est pas négligeable dans l’univers de la grande distribution.

Parfois, les changements peuvent être même plus subtils, avec des résultats néanmoins très significatifs pour les entreprises. Un hôtel a ainsi mis en place une expérience pour réduire le nombre de serviettes utilisées par des clients qui restaient plus d’une journée. En introduisant une expérience avec une partie de sa clientèle dans certains de ses établissements, l’hôtel souhaitait tester des informations du type classique (ex. Nous sommes engagés pour l’environnement – aidez-nous en recyclant vos serviettes), contre des messages plus engageants, qui montraient le niveau de préoccupation des autres hôtes avec cette question (ex. la majorité des clients dans cette chambre ont recyclé leurs serviettes). Ce message alter­ natif montrait donc le comportement que la plupart des clients adoptaient, en explicitant donc la norme sociale à adopter. Avec cette expérience, l’hôtel s’est aperçu que 37% des clients soumis au message standard recyclaient leurs serviettes, alors que les clients ayant vu le message alternatif ont recyclé leurs serviettes à presque 50%. Cela a des effets clairement positifs pour l’environnement, mais aussi un impact positif en termes de résultat d’exploitation dû à une réduction de ses coûts de pres­sing.
Mais pour bien fonctionner, ces tests doivent être effica­ces et bien exécutés, car plusieurs fois j’ai vu des entreprises qui souhaitaient faire des tests ou des expérimentations et cela n’était pas conclusif car certains éléments clés n’étaient pas pris en compte correctement. J’ai identifié 3 points clés qui doivent être pris en compte par les organisations lorsqu’elles souhaitent mettre en place des expérimentations conclusives :

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Planifier le test avec soin et avoir un groupe de contrôle

: de nombreuses entreprises pensent qu’ils testent une nouvelle solution en mettant en œuvre rapidement et attendent de voir ce qui se passe. Malheureusement, cela ne suffit pas, parce que nous ne savons jamais ce qui serait arrivé si nous n’avions rien fait. Par exemple, un distributeur a développé une nouvelle approche merchandising pour la mise en rayon d’une catégorie de produits. Même si le distributeur était convaincu de l’efficacité de ce dispositif, il a sagement voulu faire un test dans un de ses magasins avant de l’implémenter dans l’ensemble du réseau. Le distributeur a été d’autant plus convaincu de cette nouvelle approche merchandising lorsqu’il a vérifié que les ventes dans ce magasin test ont augmenté de 3,7% sur trois mois. Cela est une très bonne perfor­mance, mais cette information seule ne permet pas d’affirmer que l’augmentation des ventes vient de ce nouveau dispositif. En effet, lorsque nous avons com­paré les ventes de ce magasin test avec les autres maga­sins du réseau, nous nous sommes aperçus que l’augmentation des ventes dans tous les autres maga­sins de cette chaine était d’environ 4%. Par conséquent, l’augmentation des ventes dans le magasin test n’était pas liée à sa nouvelle approche merchandising.
Toute expérimentation a besoin d’un groupe de contrôle, et les entreprises qui planifient soigneusement leurs expériences depuis sa conception sont mieux préparées à apprendre de ces tests et prendre les bon­nes décisions.
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Éviter les explications alternatives

: une autre question quelque peu liée à la question précédente est de vérifier que d’autres facteurs dans l’environnement de l’entreprise ne peuvent pas expliquer les résultats. Souvent, lorsque nous testons de nouvelles solutions, beaucoup de choses se produisent en parallèle dans l’environnement de l’entreprise, ce qui peut impacter les résultats des tests et de réduire la crédibilité de nos conclusions. Il est important d’identifier ces « bruits » et de mettre en place des mécanismes de contrôle qui permettent de les isoler. Par exemple, un fabricant a testé une nouvelle marque de la climatisation dans les régions du centre et du sud du Brésil, avec de très bons résultats. Cependant, il y avait une autre explication à ces ventes exceptionnelles, car l’été dans ces régions a été aussi particulièrement chaud, et la vente de toutes les marques de climatisations a augmenté. Identifier dès le départ les principaux facteurs qui peuvent entrer en jeu et changer l’interprétation des résultats est essentielle pour éviter ce problème.
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Mesurer correctement les résultats

: bien que cela semble intuitif, mon expérience montre que trop souvent certains managers ne savent pas exactement ce qu’ils souhaitent comme mesure clé pour un projet ou une idée particulière à tester. Évidemment, cela est très important! Quels sont les principaux objectifs de ce projet et comment pouvons-nous les mesurer ? Par exemple, une agence de communication en collaboration avec les autorités sanitaires a développé trois campagnes alternatives pour réduire l’obésité infantile. Cette agence a souhaité tester ces trois campagnes alternatives avec un échantillon avant de décider celle qui serait la plus efficace à utiliser. La principale mesure était « les intentions de l’enfant d’éviter la mal­ bouffe » (à l’aide d’un questionnaire auquel les enfants avaient répondu individuellement). Bien que cela soit une mesure importante, les autorités sanitaires ont contesté les résultats sur la base du fait que les réponses privées et les intentions déclarées ne prédi­sent pas nécessairement les comportements, et en particulier dans ce contexte qui est par nature très social (manger est très souvent une expérience sociale, en particulier chez les enfants à l’école). Tous les efforts pour prendre une décision de meilleure qualité en utilisant le test ont été réduits à néant au cours de la discussion. Cela a engendré une grande frustration auprès de responsables du projet chez l’agence, avec même une volonté d’éviter de s’engager à nouveau dans ce « processus de test » à l’avenir, ce qui réduit sans doute leur aptitude d’apprentissage. Il est donc important de se mettre d’accord sur ce que nous souhaitons mesurer dès le début du processus, ce qui permet d’éviter ce problème et d’établir une cul­ture de tests et un apprentissage permanent.

Dans mon expérience, les entreprises qui s’appuient sur des processus de tests permanents pour leurs nouvelles idées sont en mesure de mettre en œuvre le changement de façon plus convaincante et rapide. La mise en place de ces processus de tests systématiques aide les entreprises à évoluer et prospérer dans le marché complexe en cons­ tante évolution.